PARIS/DAKAR PAR LES PISTES EN HONDA 600 TRANSALP DE 1996

Démarré par Fanou, Ven 25/01/2019 à 10:26

montludo

je me demandais s'ils étaient toujours libre de leurs allées et venues
Ave Caesar, morituri te salutant.

Fanou



épisode 10
Atar / Chinguetti

On devait décoller de bonne heure! Mais je t'avoue que nos galères sur la piste de Choum nous ont fait admettre qu'on devait trouver des solutions pour les filtres à air de nos motos. Les filtres d'origine sont désormais opaques et même la soufflette ne parvient plus à les déboucher!

Du coup, Amaury file en ville pour tenter de trouver des filtres qui pourraient s'approcher le plus de ceux d'une Transalp. Après avoir erré dans d'improbables décharges dont tu doutes que tous ces résidus de machine à laver / moteurs et autres circuits imprimés gisant pèle même et à même le sol, puissent un jour servir à quoi que ce soit, Amaury finit par trouver LES perles rares. Sans doute des filtres de compresseur qui montent avec très peu de modifications dans nos boîtes à air. Démarreur, quelques coups de gaz, ça semble tourner rond !

Un poulet/frites plus tard (comme si quelque chose nous retenait de nous mettre enfin en route) nous filons sur Chinguetti par une interminable piste en tôle ondulée qui aura d'ailleurs raison du support droit de jerrycan sur la moto d'Amaury et ventilera, façon puzzle, aux quatre coins de la Mauritanie, mes démonte pneus pourtant fixés avec des colliers Rilsan.

Chinguetti: ville dévorée par le sable, mythique par sa bibliothèque aux ouvrages séculaires dont certains sont écrits sur de la peau de gazelle ! Non, te casse pas vieux, reste! je suis pas là pour te servir pour la énieme fois ce sujet magazine vu et revu, qu'on appelle un marronnier dans le langage de la presse. Bien au contraire.

Car si architecturalement, Chinguetti est juste splendide, l'atmosphère de la ville ne nous a pas plu. Femmes et enfants nous sautant dessus tentant même de nous arracher nos sacs! Je ne sais pas ce que font les autres touristes (nous n'en avons d'ailleurs pas vu un) quand ils viennent, ce qui est sûr, c'est que nous avons parfois l'impression d'être le Père Noël. Au sens littéral du terme, les enfants pensent vraiment et sincèrement que nos sacs ne contiennent pas de fringues de rechange, ni des outils et encore moins des chambres à air mais des cadeaux à leur attention. Je n'émets aucun jugement, la Mauritanie reste extrêmement pauvre et en difficulté et je pense que la notion de voyage et de rencontre que nous cherchons dans ce Paris Dakar leur est très certainement lointaine et complètement abscons ! Nous souhaitons découvrir, eux veulent juste vivre voire survivre !

Histoire de faire le point, on se pose quand même quelques minutes autour d'un thé dans une échoppe au milieu de femmes qui réussissent à nous vendre deux babioles! Perso, je leur ai demandé de me choisir elles-mêmes un porte-clés « spécial bonheur » pour ma moto. On sort les cartes ! 120 bornes encore plus à l'Est, la ville de Ouadane et 60 bornes encore plus loin, le cratère de Gelb Er Richât, surnommé l'œil de l'Afrique de par son immensité avec ses 50 kilomètres de diamètre. Deux solutions pour y parvenir: la piste du plateau ... ou la piste des dunes ?

Raison ou emmerdes garantis ? Ouais mais quoi ? 100 bornes de dunes, quoi ! ça fait rêver, ça sonne comme une vraie promesse non ? On tranche à mi chemin. « On s'engouffre dedans, on plante notre tente et si on le sent, on termine la traversée demain. » La sortie de la ville est carrément très rock. Mangée par les sables, chaque ruelle étroite débouche sur des montagnes de dunes molles qu'il nous est impossible de franchir sans élan. On tourne, on vire, on insiste pour enfin trouver la solution grâce à une piste qui file vers un ultime petit village.




Au delà de celui-ci, l'immensité, l'inconnu s'ouvre à nous. Des dunes majestueuses à perte de vue! Lors de notre passage à l'erg Chebbj au Maroc, on s'était déjà plongé dedans, pensant que ce serait peut-être notre seule occasion de vivre ça. Que ça ne représenterait pas! Là, on est seuls, pas une trace de goudron à moins de 200 bornes (l'erg Chebbi reste un beau tas de sable mais où il est impossible de se perdre), ici, c'est le désert, le vrai ! On porte le regard au loin pour tenter de rester dans de petits vallons plus ou moins porteurs. Surtout ne jamais se laisser enfermer dans une série de dunes trop hautes. Tu franchis la première, la deuxième te semble jouable et la troisième est un piège. Je l'apprendrais un peu plus tard seulement, mais l'erg de Chinguetti est composé en partie de dunes classiques, stables, aux formes douces, prévisibles et porteuses. Mais aussi de Barkanes. Là mec, t'as affaire à du lourd et mieux vaut être physionomiste dans l'affaire! La Barkane ? Une dune en forme de croissant allongé, souvent molle et hyper cassante sur l'un de ses côtés ! D'autant plus piégeur que les Barkanes peuvent se déplacer de 5 kilomètres par an au sein des dunes classiques ! Du genre vicieuse, fourbe, imprévisible !

Mais on s'en est plutôt bien sorti. Je ne te dis pas qu'on a pas abusé des hauts régimes (surtout ne jamais s'arrêter quitte à faire gueuler la première) ! Je ne te dis pas que le ventilo n'a pas soufflé tout ce qu'il pouvait sur le bicylindre en V et je t'assure que c'était pas pour fêter ses 23 bougies. Mais en visant les quelques fonds plats que nous trouvons parfois, notre progression s'est annoncée prometteuse !

Pour une fois, on s'est dit que ça serait cool d'installer notre campement avant la nuit. Barre à droite vers de plus hautes dunes. Là ça sera bien ! Entre quelques herbes à chameau, un acacia sculpté par le vent et le soleil qui tire sa révérence. On dirait un tableau de maître. Aucun peintre n'a d'ailleurs (à ma connaissance) jamais réalisé de fragonard représentant naïvement deux Transalp et ... deux connards campant dans les dunes de Chinguetti. Mais je te jure qu'il devrait tellement c'est beau. On renonce à une plâtrée de pâtes qu'on s'était pourtant promis la veille . La gamelle est trop petite pour les faire cuire correctement et en une seule fois, le lyophilisé fera l'affaire. En fait, je pense qu'on a hâte de se glisser dans nos duvets. Là, au milieu de cette immensité dunaire, que dis-je lunaire, pour repenser à ces interminables étoiles filantes que nous venons de voir. Bercé par la douce sensation de flottement et de lévitation que te laisse le fait de rouler dans les dunes. Le mal des dunes quoi ! Un chameau est venu brouter proche de ma tente mais j'ai pas psychoté ! Putain que c'était bon ce nulle part !

À demain




BigOne86


Fanou

#33

épisode 11
Chinguetti / Oudane / Gelb Er Richât / Atar

Au réveil, une orange ! Pas que ça à foutre de petit déjeuner, on est pressé. D'autant qu'on avait tout calé la veille, nickel ! Direction Ouadane par le reste des dunes ! 8h00, Contact, démarreur et on a ... finalement pris la direction opposée. La queue entre les jambes! Bah ouais, la nuit a fait son travail de sape. Tu sais, c'est vrai qu'on est venu là pour vivre toutes ces histoires, ces aventures mais notre fer à cheval de l'Himalaya à nous, notre quête du Saint Graal, c'est la passe de Tifoujar !

Alors en dégustant notre orange, et vu ce qu'on a déjà fait subir aux Transalp depuis maintenant 5.000 kilomètres on s'est dit que les dunes, ce n'était finalement pas très malin. Et que le risque mécanique était trop important! On s'est donc résigné à retourner sur la tôle ondulée pour rejoindre Ouadane. Soit ! Mais juste avant ça, je me suis dit qu'un petit travelling vidéo serait du plus bel effet. Je fixe une perche à l'arrière de la moto d'Amaury, une Go Pro 7, celle qui stabilise enfin et vraiment les images (je n'ai pas d'actions chez eux) et gaz ! Non Amaury, j'ai pas dit gros gaz, juste gaz! Sauf que lui, il s'est cru en speciale. Pour que l'image soit belle et impressionnante et parce que j'ai toujours envie de te faire plaisir, je dois rouler à une vingtaine de centimètres de son cul. Soit pile dans la trace que lui a choisi ! Sans voir rien voir ; au loin, devant, sur les côtes. Le tout au milieu de l'herbe à chameaux et des dunettes que je ne peux anticiper. Ça fait beaucoup de paramètres à gérer mais ça doit être impressionnant à l'image ... jusqu'à ce qu'Amaury rende légèrement les gaz.

Je coupe à mon tour, en retard et de façon plus brutale. Le guidon se met en butée à droite, revient d'un coup sec à gauche, la roue avant disparaît dans le sable. Bim, bam, boum, me voila sêché au sol avec une douleur que je connais bien. Celle de l'acromio-claviculaire. Également bien nommée la touche de piano ... qui sort de son logement lorsqu'elle est luxée. On n'en est pas encore à ce stade là mais je sens qu'un petit Voltarene ce soir ne sera pas de refus ! Merde, la journée commence vraiment mal ! Comment je vais faire pour tirer sur le guidon, pour relever la moto si elle tombe ?

Mais les questions, ça sera plus tard. Pour l'instant sortir de là et rallier Ouadane et sa ville en ruines, classée au patrimoine mondial de l'Unesco ! Une fois de plus, curieuse atmosphère. En venant, moi, je m'étais dit qu'on allait croiser quelques touristes. Juste avant de partir, l'attention de pas mal de médias (France 5 avec Échappées Belles/France Inter/Géo) s'étaient focalisés sur ces sites reculés et splendides de la Mauritanie! Mais rien ni personne, le désert absolu !

On grenouille pas mal pour trouver la piste censée nous mener vers l'Oeil de l'Afrique, l'immense cratère de Gerb Er Richât. Va jeter un œil sur Google Earth, je te jure que ça vaut le coup. D'incroyables cercles concentriques sur 50 km de diamètre. Pas sûr qu'une fois au cœur de celui-ci, on puisse aussi bien s'en rendre compte ! Un vieux nous a indiqué un point GPS à suivre, lequel est censé nous mener vers un fort. Ensuite, il ne nous restera plus que 25 bornes à faire pour venir chatouiller la pupille de l'Afrique !

Sauf qu'à ce moment, on est loin de se douter de ce qui nous attend. Ce point GPS est une coupe au cap qui nous ramène en permanence vers de hautes dunes. On a beau essayer de tirer sur la gauche, si nous voulons rejoindre ce point, nous n'avons pas d'autre choix que de plonger dedans. Nous en payons le prix fort avec plusieurs plantages en règle. A chaque fois, c'est la même punition pour se sortir de là. Il faut dégager le sable sous les roues, faire pivoter la moto sur elle-même en tirant sur la roue avant et enfin relever la moto pour repartir dans l'autre sens. La Transalp semble peser à chaque fois un peu plus lourd. Faire à nouveau demi-tour pour trouver le bon passage cette fois-ci, ne pas refaire la même erreur! On tente de se surveiller mutuellement mais on se perd régulièrement de vue! Non pas que l'on ait peur de se perdre mais là, honnêtement, la moindre blessure, rester coincé sous la moto, peut vite devenir un véritable problème, Nous sommes épuisés, rincés, vidés. Pour la première fois depuis notre départ, je tape dans notre réserve supplémentaire d'eau accrochée sur le flan droit de la moto!

Au pied d'une dune où nous sommes tanqués, une famille de nomades vient à notre rencontre et tente de nous vendre de l'artisanat ! Nos mines déconfites et lessivées suffit à les en convaincre que ce n'est pas le moment et a même pour effet de déclencher un rire profond, sincère et communicatif chez une jeune fille ! Plantés là au milieu du désert, avec un troupeau de chèvres et comme seule distraction des coloquintes (avec lesquels, paraît-il, ils jouent aux boules) je me dis que ces gens ont une incroyable force de vivre ! Et que nos galères ne sont rien! Allez, on va y arriver.

Elle nous indique une autre solution pour atteindre le cratère ! Entre deux dunes, un fond plus porteur qui nous mène vers une immense entendue. L'espoir renaît ! Nous débouchons sur un plateau, le cratère ne peut être loin. Une dernière montée et ... la Transalp décide d'afficher son ras-le-bol. Première, gaz en grand, elle doit développer 20 chevaux hors taxe et ratatouille comme si elle disposait d'un traction control qui serait enclenché dans le sable! Impossible de prendre de l'élan, de sortir la roue arrière à la surface du sable ! Fin de parcours ! Par acquis de conscience, j'envoie mon drone pour constater... que les 10 bornes restant sont rigoureusement identiques !

Demi-tour, nous n'avons pas d'autre choix. Clairement et alors que le Maroc s'était déroulé sans difficulté majeure, depuis que nous sommes arrivés en Mauritanie, plus rien ne se déroule comme prévu ! Le terrain y est nettement plus hostile, compliqué. Je sais que les photos te font sans doute rêver d'une telle aventure. Nous ne sommes pas les premiers ni les derniers à la tenter, mais si l'envie te prenait de venir, sois conscient que rien mais alors vraiment rien ne te sera donné!

Il est 17h00 et il fait nuit dans deux heures, soit à peine le temps de refaire le chemin en sens inverse jusqu'à Ouadane. Ensuite, c'est 170 kilomètres, de nuit, sur la tôle ondulée qui nous attendent. Autant il nous était possible à l'aller de rouler bord de piste, à 80 km/h pour trouver la bonne fréquence des bosses et ne pas la subir, autant là, de nuit, nous n'avons pas le choix que de rouler à 50 et de visiter chaque bosse et trou. Sans compter que la piste est truffée de ravines visibles au dernier moment. La fatigue et la lassitude s'installent. Amaury a carrément la sensation de voir une forêt défiler de chaque côté de la piste alors que c'est un désert de cailloux! Retour à Atar ! L'addition est salée: un Voltarene pour ma part, des motos qui ont désormais du mal à avancer et qui ont sans douté avalé du sable! Curieusement, alors que nous avons déjà fait les 3/4 du parcours, Tifoujar et encore plus Dakar semblent s'éloigner !

Allez, à demain !






Et pour ceux qui veulent savoir de quoi parle Lolo avec  " l'Oeil de l'Afrique, l'immense cratère de Gerb Er Richât"  :wink:

https://youtu.be/pTTnYRaZ55A

Fanou


épisode 12
Atar / passe de Tifoujar

Bon on fait quoi là, maintenant? Tu vas me dire qu'on avait qu'à pas faire les malins. Qu'on a eu les yeux plus gros que le ventre ! Que c'est impossible de faire autant de pistes, de dunes et de sable avec une Transalp chargée par dessus la galerie ! Qu'on a que ce qu'on est venu chercher ! Et tu as ... raison. Mais j'aime bien toutes ces idées là! Me dire que rien ne colle, rien ne s'assemble, que tout cloche mais qu'on va quand même réussir la quadrature du cercle! La maxime veut qu'ils « ne savaient pas que c'était impossible mais qu'ils l'ont fait! ». Nous, on sait que c'est infaisable mais on y va quand même. Y'aura forcément de l'expérience, de la richesse derrière tout ça.

Ça me refile la patate de me dire qu'on est là avec nos deux Transalp en rade, à la veille de gravir la plus grosse difficulté de notre voyage: la passe de Tifoujar. Au petit matin, Amaury a donc ressorti son tournevis cruciforme, s'est bandé les yeux et a nettoyé les deux filtres à air en 2 minutes 13. Record personnel. C'est pas vrai mais ça pourrait tant il a répété cette opération à l'infini depuis notre départ. On a rajouté un peu d'huile, tout contrôlé, c'était loin d'être parfait, on était un peu dans l'acharnement thérapeutique mais quitte à ce que nos motos rendent l'âme, autant que ce soit sur le champ de bataille ! Sabre au clair, on était prêts !

Faut dire qu'il est motivé grave le Amaury. L'autre jour, devant le côté un peu poussif de notre progression, j'ai évoqué l'hypothétique hypothèse de l'éventualité de faire l'impasse sur Tifoujar, il m'a répondu « non » sur un air de « touche pas au grizbi, salope ! ». Je me suis pas offusqué. J'me suis surtout dit qu'on allait puiser dans cette énergie encore disponible pour accomplir le challenge idiot que l'on s'est fixé depuis le début : gravir en montée la mythique passe de Tifoujar avec nos Transalp. Ce qui revient à peu près à vouloir ramper à plat ventre,dans le sable brûlant et mou, pour gravir un col long de 400 mètres avec un fer à repasser dans chaque main et une charrue accrochée aux pieds.

Bref, on a fait les pleins de tout, en se disant qu'on allait peut-être y passer un peu de temps (on était prêt à tout décharger pour passer d'abord les motos puis revenir chercher, à pied, notre chargement). Alors autant qu'on ne manque de rien. Et on s'est mis en route vers TIFOUJAR !!! Tu prends la direction des sublimes oasis de Terjijt, et ... une énorme claque dans ta face à toi. De majestueuses montagnes mangées par un sable ocre! Biblique! Tiens si j'avais du écrire une scène de la vie de Jesús, de Allah ou de qui tu veux, j'aurais commencé par planter ce décor. Puis au détour d'un virage, un petit chemin dont l'entrée est barré d'une rangée de pierres. Serait-ce donc un signe que l'on nous envoie? Je n'en parle même pas à Amaury! Putain, que c'est beau !

Un chemin qui serpente et s'enfonce aussitôt dans un canyon. Quelques dalles en pierres blanches où nos sabots moteur laissent échapper quelques grognements ! A partir de là, une chose m'apparaît clairement (sans doute une révélation due à ce décor miraculeux), cette descente sera sans retour possible. Car pour remonter ce que nous venons de descendre, il ne faudrait pas ôter les bagages mais tout simplement désosser intégralement la moto pour remonter un à un, le moteur, le cadre, les roues, le réservoir, etc, etc ... Fois deux puisque nous sommes deux motos! Nous franchissons une dune terriblement molle pour finir dans un entonnoir! A gauche une immense dune verticale! A droite une paroi rocheuse tout aussi verticale où se reflète le soleil avec un effet four autoclave. Et au fond un cordon de sable bien plus profond que large où nous devons évoluer. Mon instinct surdéveloppé m'avertit qu'on ... s'est mis dans la merde. J'ai eu toujours eu beaucoup de flair!

En serrant les dents (ça me fait quand même mal au cœur à chaque fois de procéder ainsi), j'enquille la première et lâche l'embrayage d'un coup sec. La roue arrière patine, la moto s'enfonce et progresse lentement. A chaque centimètre gagné correspondant une barre en plus sur la jauge de température! Pendant ce temps tout ce sable copieusement brassé vient généreusement gaver la boite à air. C'est rien. Juste un mauvais moment à passer. Une Transalp, aussi maltraitée soit-elle ne peut faire défaut à sa réputation de fiabilité ! Au bord du rouge, je coupe le contact pour recommencer l'opération décrite précédemment, quelques instants plus tard! Et ce plusieurs fois. Je comprends que l'affaire ne va pas durer éternellement !

Très vite, le filtre se remplit, la Transalp perd de sa puissance jusqu'à ne même plus réussir à faire patiner la roue arrière dans le sable. Amaury en est au même point que moi. Pour faire refroidir la mécanique, il coupe son moteur qui ... ne veut carrément plus redémarrer. On vide le filtre à air, tente plusieurs démarrages au point de presque vider la batterie, rien n'y fait. Le V2 reste désespérément muet et donne même l'impression de forcer ! Pas bon signe ça. On pique la batterie de ma moto juste pour confirmer ! Confirmation chef!

J'espère que les soupapes ne sont pas en train de gripper !!! Il fait 40 degrés et on est pris au piège comme des rats ! On hésite entre faire appel au public ou à un ami. Finalement, Amaury sort ses outils que nous avons encore la chance de posséder. Parce que, oui, j'ai oublié de te raconter ça. Dans les dunes de Chinguetti, en suivant la trace des pneus de sa Transalp et alors qu'il était parti bien loin, j'ai cru apercevoir là, sur le bord de sa trace, une pince multiprise. Curieux. Je fais demi tour pour effectivement tomber sur une multiprise, puis dix mètres plus loin un roulement, un embrayage, un cdi, des bougies. Il y en avait sur un kilomètre. Il avait juste oublié de refermer sa trousse de pièces de rechange.

Très exactement à ce moment là, coincés à l'entrée de Tifoujar, on aurait comme qui dirait manqué. Bref, il a sorti ses glingues et commencé démonter la rampe de carbus, soit le truc sans doute le plus chiant à faire sur un V2. Au milieu du désert en étalant soigneusement les vis et pièces démontées sur ... sa sortie de bain désormais transformée en établi ! On a un peu blêmi quand on a découvert les cornets d'admission remplis de sable ! Il nous manquait un bac à essence pour rincer tout ça. Je suis allé chercher une nourrice d'eau souple supplémentaire que j'avais gardée de côté et qu'on a découpée. Il nous manquait une brosse. On a pris la brosse à dents d'Amaury, il nous fallait une qualité dure et moi j'utilise que du souple. Enfin c'est ce que j'ai dit. Y'en avait partout!



La moto était éventrée, la nuit allait tomber, j'me suis dit: putain ça y est ! Alléluia, gloire à Dieu, Inch Allah, notre voyage est réussi. Je peux enfin dire que j'ai fait le Dakar. Goûté à ce sentiment de désespoir, d'être allé au bout du bout de ce qui était faisable. C'est sûr, on arriverait hors course pour prendre le départ de l'étape de demain mais on venait de basculer dans l'autre Dakar. Et ce définitivement. Celui des emmerdes, de la débrouille, de la galère! Quitte à ce ce que soit à l'arrière d'un plateau pickup ou à deux sur une seule moto avec tous nos bagages, sur un train ou en stop, je savais qu'on rejoindrait Dakar. C'était même et en fait le début de notre Dakar.

Bon, sauf que à part faire des conneries en mécanique , je pouvais pas faire grand chose pour Amaury. J'ai touché à rien mais j'ai quand même fait des conneries puisqu'en installant ce bivouac forcé, j'ai foiré la tente d'Amaury. J'ai fait à bouffer. Et on a quand même pris une décision qui nous a coûtée. Même sur le Dakar, les mecs ont le droit dedemander un petit coup de pouce à l'organisation. Celui qui fait que lorsque tu touches le fond, tu peux prendre un appui pour remonter gentiment vers la surface.

J'avais emporté avec moi un téléphone satellite (en cas de blessure grave). J'ai composé le numéro de l'auberge Bab Sahara pour leur filer nos coordonnées GPS. « Oui je vois bien. Vous êtes au pied d'une immense dune, qu'est ce que vous foutez là ? Vous n'êtes pas blessés ? Bon, faudra pas être trop pressé, on vient vous chercher demain! » Sauvé des eaux certes mais Amaury n'a pas lâché le morceau! Sa moto refusant de démarrer malgré un nettoyage carbu, il a attaqué la mienne ... qui a bien voulu fonctionner correctement vers minuit. Puis il s'est à nouveau tourné vers sa Transalp pour refaire un nettoyage carbu et un jeu aux soupapes!

Quand à deux heures du matin, j'ai entendu le cri du démarreur suivi de ... rien, j'ai quand même eu un peu de peine. Lui aussi. Je pense qu'il aime pas trop quand la mécanique lui résiste ! Au petit matin, il avait vraiment la tronche en travers et l'air un peu grincheux! On a tout remballé, le pickup a fini par arriver. On a chargé sa moto dedans avec tous nos bagages. Moi j'ai repris la piste avec une moto méconnaissable. Sans bagages, j'ai cru qu'on venait de me filer un 450 enduro.

De retour à l'auberge Bab Sahara, qui doit héberger à peu tout ce que la Mauritanie compte de voyageurs en fin de course comme nous, on a squatté l'atelier à ciel ouvert. Un rapide check de l'allumage et de la compression suffit à nous convaincre qu'en tractant la moto d'Amaury, il y a une chance pourqu'elle redémarre ! Une vingtaine de mètres suffiront au miracle! Un nouveau nettoyage des carbus, un jeu au soupapes dans de meilleures conditions suffiront à stabiliser la santé de mamie Transalp qui franchement y met beaucoup du sien face au traitement infligé. De mon côté, je file sur Chinguetti acheter de l'huile et des bougies.

A ce sujet, il nous aura été impossible durant notre passage en Mauritanie de donner un prix aux choses! Un repas identique peut varier entre 100 (2,5 €) et 300 Ouguyias. Le change au marché noir de 40 à 32 seulement! De toute façon, tu ne trouves et ne choisis jamais rien toi même ! Tiens, entre dans une boutique de pièces auto et demande des bougies ! Il n'aurait jamais ce que tu cherches. En revanche, le proprio connaît quelqu'un qui, peut-être a ça ! et là, le mec disparaît pour te trouver la perle rare avant de ré appaitre, ô miracle, avec la bonne pièce ! Pas de prix étiqueté dessus, rien. Son prix sera le tien puisque tu es dans le manque et lui seul peut te founir. Lui qui n'est jamais qu'un intermédiaire (ou qui avait tout simplement ça en stock) qui prend sa com et fait grimper les prix. Je critique pas. Je viens juste de te décrire comment fonctionne le commerce partout dans le monde, y compris dans ce trou paumé et délaissé qu'est Atar.

Mais bon, à 1.500 Ouguyias (37 €) les 4 bougies qui se montent sur les pit-bikes chinois, et 2 litres d'huile, j'ai quand même un peu l'impression que si je m'élançais du haut de Notre dame de Paris, j'arriverais à voler et à chier sur les touristes ! J'en rêve pas plus que ça! On finit de nuit la mécanique, une bonne nuit par là-dessus et direction le banc d'Arguin et la piste menant de Rosso à Diama, qui manquent encore à notre tableau de chasse!

À demain




Fanou





épisode 12
Atar / banc d'Arguin / Diama

Je t'ai laissé hier plein d'inquiétude et d'interrogations sur la fin de l'histoire ! Je sais que tu as hâte d'en connaître le dénouement. Tu sais quoi ? Ce qui est le plus incroyable, c'est qu'après toutes ces galères, on avait encore faim et soif ! Alors au petit matin, on est montés sur nos Transalp un poil défraîchies mais toujours partantes et on a mis en route le GPS! Direction Chami et le banc d'Arguin.

750 bornes qui demandent un peu de motivation, car c'est un peu comme si tu comptais aller de Paris à Lyon en passant par Nantes ... pas obligé en France mais en Mauritanie si, car il n'y a pas d'autre route. Oui parce qu'on aurait pu prendre la piste mais là, avec nos éclopées et le peu de temps qu'il nous restait pour visiter cet ultime joyau de la Mauritanie, on a décidé que non, il ne fallait pas prendre la piste. C'était pas raisonnable!

Et puis la route c'est plus rapide. Enfin, en fait, ça dépend. Il faut trouver des stations qui distribuent de l'essence, beaucoup ne proposant que du gasoil. Il faut présenter une fiche de renseignements à chacun (et ils sont nombreux) des check points installés par la Gendarmerie Royale, la police ou les douanes. Par la piste, tu passes entre les mailles du filet! Ha justement, faut que je te raconte. Lors d'un des nombreux check points, un jeune gendarme mauritanien m'arrête et me demande fièrement LA fiche de renseignements (nom/prénom/marque et immat moto, etc...).

Je lui explique que j'avais pourtant fait 35 photocopies avant de partir de France et que là, bah... j'ai plus rien. J'ai déjà tout donné à ses collègues que je trouve un peu trop nombreux! Un peu emmerdé, le jeune gendarme file en référer à son supérieur qui est allongé dans un Land Rover en retrait de la route et semble roupiller! Le mec revient vers moi, fier d'avoir reçu l'instruction qui lui semble appropriée et me lance un « numéro moto ?» ... en même temps qu'il louche sur ma plaque phare où trône un énorme « 67 », soit mon année de naissance.

Un poil taquin et étant plutôt créditeur avec la gendarmerie depuis notre depart, je tente donc le « 67 ». Le mec aquiesce. Jusque-là, tout semble cohérent ! Jusqu'à ce que, fier d'avoir accompli sa mission, il décide de ... tourner les talons pour en référer à nouveau à son chef. Lequel semble lui dire que je viens de me foutre de sa gueule et qu'il a intérêt à revenir avec mon vrai numéro d'immatriculation sinon, il va prendre un coup de Rangers taille 43 dans son cul. Ho putain, je possède vraiment la science exacte pour me foutre dans la merde! J'ai fait le mec qui n'avait pas compris, mais faut vraiment que j'arrête mes blagues pourries au mauvais moment !

On est passés sans s'arrêter par Nouakchott et on est remontés vers le nord, en direction de Chami. Pourquoi Chami? Parce que Chami est l'unique station essence entre Nouadhibou, tout au nord de la Mauritanie, et Nouakchott. C'est donc le seul point de ravitaillement qui nous permettra ensuite d'avoir 400 km d'autonomie pour couper au cap à travers les dunes vers la mer et ensuite se faire tout le banc d'Arguin avant de rejoindre de nouveau Nouakchott !

Sauf que tu vois, à Chami, à la station essence dénommée « Gare du Nord », et bien, on a failli y rester. Abandonnés, laissés pour compte, sur le quai. Je t'explique. On arrive, il ne nous reste plus un seul Ouguiya en poche mais on sait qu'il y a moyen de changer des euros. Le pompiste nous balance sans sourciller un taux de change à 32, alors qu'on change à 40 depuis le début. Je veux bien faire marcher le commerce et participer à l'effort de guerre mais là, c'est du vol, du rackett. On commence à râler un peu. La station est grande et il y a un resto. Amaury file à l'intérieur voir si quelqu'un d'autre peut peut pratiquer un meilleur taux. Et revient tout sourire avec des Ouguyias qu'il a changé à 35 et demande le plein.

Le pompiste usurier ne bronche pas, fait le plein du réservoir d'Amaury, commence le plein d'une des nourrices, fait claquer le pistolet, le raccroche et me dit : « fini, y'a plus d'essence, la pompe est vide. » Hyper vexé de ne pas avoir réussi à nous arnaquer, le mec va jusqu'à nous priver du précieux liquide qui, seul, peut nous permettre de poursuivre notre piste ! On insiste, le mec n'en démord pas: « plus d'essence fini ». Heu et on fait comment
nous? Heureusement nous finissons par apprendre que, depuis notre dernier passage dans les parages voilà dix ans, une autre station a désormais été construite à Chami. On fait le plein, on zoome dans le GPS. Plein ouest, coupe au cap vers la mer et le sublime banc d'Arguin.

Pas mal de sable mais peu de grosses dunes (tout du moins clairsemées ce qui permet de les éviter) quelques shots avant de débarquer face à la mer. Cap au nord vers un point où deux pistes semblent se rejoindre. Une fois de plus, il fait quasiment nuit, on ne sait pas faire autrement. Au pied d'un village de pêcheurs: une immense falaise où trônent en hauteur des bâtiments bleus. On pose quelques questions, ce serait des chambres pour dormir. On monte sur une piste trialistante pour tomber face à un panneau d'interdiction... de pénétrer dans les bâtiments des Gardes Côte! Échec!

On fait demi-tour et en redescendant de l'autre côté de la falaise ... nous découvrons quelques tentes ! Pour la première fois depuis notre arrivée en Mauritanie, et même si les déserts traversés sont d'une beauté à couper le souffle, nous ressentons un peu de douceur. Quelques tentes, la plage, le bruit des vagues, un immense poisson cuit sur le grill, ça ressemblait (pour nous) presque à une pub pour des vacances luxueuses aux Bahamas et en plein hiver. De celles que tu vois sur les culs de bus. J'ai fait voler mon drone pour immortaliser l'endroit, je me suis soulagé la vessie face à la mer tandis que ma frontale éclairait les yeux des renards qui comptaient sans doute sur un quelconque restant de poisson. J'ai fait la chasse aux caries et j'ai dit à Amaury qui ... nettoyait à nouveau les deux rampes de carbu, que j'allais sous la tente, dans mon duvet, t'écrire ces quelques lignes.

J'ai dû tenir un petit quart d'heure avant de m'endormir profondément, réveillé deux heures plus tard par Amaury qui gueulait parce qu'il venait de faire tomber ma moto mal béquillée, à ras de la tente et de ma tronche! J'ai pas demandé s'il l'avait fait exprès, je suis sorti l'aider, je pense qu'il a compris que je l'avais un peu abandonné. On s'est couchès et endormis au bruit de la marée descendante, puis montante. Le lendemain, on a avalé les crêpes promises la veille et on s'est mis en route pour Nouakchott par la plage. Des kilomètres de sable où il faut parfois prendre soin d'éviter des langues de sable qui ne mènent nulle part. Des dunes où Amaury effectue un dernier salto par l'avant. Et des pistes oubliées, à peine marquées, recouvertes de sable. Il faut régulièrement porter le regard au loin pour en deviner la suite. Un village où des pêcheurs nous montrent leur pêche miraculeuse (ces eaux sont parmi les plus poissonneuses au monde) sur des embarcations de fortune. La Mauritanie prend véritablement et d'un coup des airs de vacances et de fin de voyage. Mais ça, c'est pour mieux t'endormir ...




De retour à Nouakchott, on prend notre temps pour avaler quelque chose avant de reprendre la route vers 19h00, à la tombée de la nuit. 240 bornes de goudron pour aller jusqu'à Rosso à là frontière sénégalaise, ça ne devrait pas nous prendre plus de trois heures. On est cool ! Sauf qu'à un check-point, un gendarme nous annonce que c'est pas très raisonnable parce que le « goudron est cassé ». Ouais, tu sais, on en a vu d'autre depuis notre départ ! Bah, oui et non, en fait. Car nous allons vivre 5 heures d'enfer pur. A croiser des 38 tonnes qui ne lâchent jamais le morceau, plein phares, dans des pistes parallèles à la route en réfection! Le passage de ces mastodontes a retourné le sable, créant d'immenses bassines de fesh-fesh (ce sable profond qui ressemble à de la farine) que l'on aperçoit ... qu'une fois plongés dedans. Amaury va même éviter de justesse un âne prostré au milieu de la route. Pour ma part, aveuglé par les phares je ne vais voir que la tête de l'âne au ras de mon rétro gauche !

23 heures 30, épuisés, on arrive à Rosso ! On refait les pleins et on achète 2 bananes/3 oranges et 2 Cocas! Ouais parce qu'on a encore de la route ! Enfin de la piste. Je vais être super cash avec toi. Si un jour tu te décides de suivre nos pas, de Paris à Dakar, évite à tous prix le passage de la frontière par le bac de Rosso qui traverse le fleuve Sénégal. Que ce soit pour Amaury ou pour moi, ça reste un des nos pires souvenirs du racket organisé, de crapules sans foi ni loi. Il n'existe qu'une seule solution: prendre les 100 kilomètres de piste qui longent le fleuve Sénégal pour rejoindre tout à l'ouest la ville de Diama et son pont/barrage. Avec un peu d'appréhension, toutes nos recherches sur internet font état d'une piste vraiment difficile en cas de pluie. Ok, il ne pleut pas mais il fait nuit et nous en sommes depuis ce matin à 16 heures de moto, l'objectif étant de dormir au pied du barrage pour passer la douane au plus tôt !

Bonne nouvelle, la piste est plutôt roulante! Mais même à 50 km/h, ça reste deux heures de moto. Après 50 kilomètres, je jette l'éponge. Je repère un groupe de buissons sur la droite qui nous permet de planter nos tentes et d'être masqués du bord de la piste (on nous a déconseillé d'y passer de nuit, alors d'y dormir...). Épuisés, on se dit que ça fera l'affaire. Je crois qu'on n'a jamais installé aussi vite notre campement, en priant pour que les crocodiles (réellement présents car nous ne sommes qu'à quelques kilomètres de la réserve Diawling) décident de bouffer autre chose que du motard pas frais! Je me glisse dans mon duvet, je pense que cette fois-ci, ce sont juste des phacochères qui nous ont rendu visite ! Demain, enfin tout-à-l'heure, lever 6 heures pour rallier, enfin et peut-être, Dakar.

À demain




montludo

Ah le plaisir de rouler sur le sable chaud de Mauritanie  8)



Ils sont couillus le Laurent et son acolyte Amaury   :nib002:
Ave Caesar, morituri te salutant.

Fanou


Fanou




Episode 13
Diama / Dakar

5 heures de sommeil, la nuit a été courte ! De toute façon, c'est comme ça depuis le début. Je vais d'ailleurs et à ce sujet te faire une petite confidence. Je ne voyage pas comme un vrai Globetrotter ! Le Globetrotter, lui il prend son temps. Il rajoute des étapes, renifle l'air ambiant, change de cap au gré de son humeur et des infos récoltées sur place. Non, moi, j'ai un billet retour pour revenir au bercail, t'imaginer d'autres vidéos. Et avec toutes nos galères, on a pris pas mal de retard. Du coup, on a couru après le temps, les distances, les kilomètres (8.000 en tout) dans un rythme effréné car il n'était pas question de renoncer à aucune de nos étapes. Ça reste pour moi une vraie frustration : voyager un jour sans contrainte aucune, ça doit être magique.

Mais là, faut qu'on speed car dans la journée, nous devons rejoindre Diama, passer les frontières (et ça, c'est toujours la loterie en matière de temps), rallier Dakar pour faire le tri dans nos affaires et commencer à mettre nos motos en caisse pour un retour au Havre, par bateau ! Donc, une fois de plus, le chrono s'est mis en route. D'autant qu'Amaury trouve qu'on traîne de trop le matin pour remballer tout le matos. Alors j'ai fait le pari qu'en 30 minutes, on réussirait à : se laver, ranger nos affaires, plier le duvet, la tente, dégonfler le matelas, tout ranger dans nos sacs, sangler nos sacs et se mettre en route. Un inventaire qui me permet d'ailleurs de te dire que, parmi tout le matos que nous avons choisi d'emporter, tout mais absolument tout, a servi au moins une fois. Ou a eu au moins une utilité détournée. Comme l'outre d'eau qui a servi de bac à essence pour laver les carbus. Signe d'un chargement parfaitement optimisé.

Bon, finalement, ça me prendra 4 minutes de plus que les trente allouées, pour être prêt. Du coup, je sens bien que je t'ai mis dans le speed avec ce début de journée au pas de charge. Mais rassure toi. Comme d'hab', on aura quand même pris le temps d'être en retard! Et comme d'hab', ce soir, on roulera forcément de nuit. On posera nos valises tard parce qu'on n'aura pas su faire autrement que de profiter, en un temps record. C'est ainsi qu'on petit matin et après avoir parcouru à peine 10 kilomètres, une famille de phacochères nous toise au beau milieu de la piste. Stooopppppppppp ! Et hop, un petit coup de caméra. Et là-bas ! Des flamands roses, par dizaines. Et hop, un petit coup de drone ! " Heu, dis Amaury ! Vu qu'on est pressés, ça serait bien si on fixait une caméra au bout de la perche de 4 mètres pour faire un beau travelling". Et hop, un travelling. Je sais à peu près à quoi va rassembler la vidéo finale que je vais te monter à mon retour, et tout ça me plaît bien !

En revanche, ce qu'on ne sait pas encore (car de nuit, nous n'avons vu aucun panneau) c'est que nous sommes au cœur du parc de Diawling, patrimoine mondial de l'Unesco. Et qu'on a dormi, pour de vrai ... avec le crocodile, le fennec, le serval, le python de Séba, le varan de la savane et ... le loup. Si je te jure le loup ! Alors que je roule ébahi par toute cette nature qui s'éveille avec la montée du soleil, je tombe nez à nez avec ce que j'identifie clairement comme étant un loup. Pas un chien en tenue de carnaval, non, un loup. Je suis pas con, un loup c'est un loup et je viens de voir un loup. J'arrive au check point de sortie du parc où Amaury, parti devant, discute déjà avec un garde! Je pose la question tout en sentant bien qu'Amaury et le garde vont se foutre de ma gueule. "Y'a des loups ici ? ". Bingo ! Non, pas bingo pour les loups, mais bingo, ils se foutent de ma gueule. Sauf que j'ai vu un loup.

Du coup, en t'écrivant ces quelques lignes, la curiosité me pousse à visiter le site internet du parc de Diawling. Et là qu'est-ce que je vois, que je trouve que j'apprends. Le parc de Diawling abrite ... le loup d'Afrique ! Ou plus exactement le Canis Aureus, une espèce à mi-chemin entre le chacal et le loup. Mais plus proche du loup car plus trapu que le chacal, avec des oreilles courtes, une fourrure plus sombre et un comportement dominant face aux chacals autour d'une charogne. Un loup quoi ! Putain, on a dormi au milieu des loups ! Moi qui croyait que ce n'était pas raisonnable de dormir ici en raison des mauvaises fréquentations humaines !

Un peu perturbé (Amaury lui, il "s'en bat les couilles") on arrive à la frontière de Diama. Un grand pont barrage qui semble d'une quiétude étonnante pour une frontière. Surtout comparé au bac de Rosso. Avec Amaury, on s'est mis d'accord. On choisit un passeur et on lui demande son tarif pour faire l'ensemble des manips : payer le passage du pont/barrage (3 euros), les douaniers (10 euros les douaniers, on se demande pourquoi ?), l'assurance obligatoire (15 euros, au départ, c'était le triple) et le passeur (10 euros). Soit 76 euros pour les deux motos. Le mec prend tous nos papiers en main, c'est désormais limite si les douaniers demandent à voir nos tronches. On en profite pour s'installer sous une tente et savourer un sandwich omelette, un thé et quelques arachides. En à peine une heure l'affaire sera réglée ! Une performance absolue même si, histoire de lui mettre un peu la pression, j'avais dit au passeur qu'il fallait que ça soit réglé en 15 minutes car "Tata Gisèle nous attend à Dakar ".Je sais pas pourquoi j'invente en permanence toutes ces histoires à dormir debout.

Tiens, juste avant de quitter le Sénégal, un marchand de cartes téléphoniques vient me voir. Je lui dis que je sais très bien qui il est. Que je le connais bien ! Car ici, sous douane, tout le monde dit que c'est lui, qui pratique les meilleurs tarifs. Je dis toujours ça pour faire baisser le prix. Mais au lieu de prendre avec fierté cette notoriété soudaine, le mec s'offusque carrément et m'intime de lui dire "QUI ? " Qui m'a dit ça ? Histoire de foutre un peu plus le bordel, je désigne mon passeur. Qui lui rétorque que "non", il n'a jamais dit ça. Ça commence à partir en cacahuètes ! Et là, d'un coup d'un seul, je percute. Mais bon sang, c'est bien sûr ! Quand tu dis à un passeur qu'il fait de bons prix par rapport aux autres, ça veut qu'il casse le marché. Qu'il ne joue pas le jeu. Qu'il ne t'arnaque pas assez. La pure honte ! Bah ouais, plus tu vends tes arnaques chères, plus tu es considéré socialement. Du coup, j'explique que j'ai du me tromper, que je ne sais plus qui m'a dit ça, et on file en douce.

Je te l'ai déjà dit mais je suis toujours surpris de voir comme, à 2 kilomètres près et pour une simple histoire de frontière purement fictive tracée sur une carte, l'atmosphère peut changer. Les couleurs des boubous nous sautent au visage, une incroyable vie et activité semble prendre le dessus. C'est l'Afrique Noire qui nous submerge. Direction l'incontournable Lac Rose pour une arrivée en beauté. Et tu sais quoi ? Le lac rose, bah, il est rose. Ça te semble évident comme ça mais ça ne l'est pas. Selon la lumière, la température et plein d'autres facteurs que je ne saisis pas bien, le lac est plus ou moins rose. Voire pas du tout certains jours. Là, la chance est avec nous ! On se fait un petit run sur le lac, on se fourre une dernière fois dans la panade en allant visiter les dunes, on se fait refiler porte-clés, bracelets et adresses de nos possibles deuxièmes femmes au Sénégal, la polygamie n'étant ici, pas un souci. Comme sur le vrai Dakar, la dernière étape est toujours un peu décevante, émotionnellement en-dessous de tout ce que tu viens de vivre. Trop facile quoi !

Et on file du côté de Saly, chez Jean-Fi notre contact au Sénégal, qui doit nous aider à mettre les motos en caisse. Et là, j'annonce du grand Mendes. Du très grand Mendes. J'avoue qu'avant de partir, on a fait beaucoup de recherches sur internet sans jamais trouver de réponses claires pour rapatrier nos motos de Dakar. Jean-Fi lui, nous met en contact, à raison, vers la société Bolloré hyper sérieuse dont je peux te donner les coordonnées si tu le souhaites. Ça fera 750 euros par moto, le prix étant évalué sur le volume que vont occuper nos motos dans le container où elles seront chargées. Ça, c'est pour la partie facile, même si tu n'oublieras pas que ta moto est inscrite à la main sur une page de ton passeport (le fameux passavant) et qu'elle doit être validée par les douanes sur ton passeport, comme sortie du territoire avant de reprendre l'avion (il est interdit d'importer et de vendre au Sénégal des véhicules de plus de 8 ans). Sinon, à l'aéroport, les douanes te gardent. Bon, comme d'hab, on avait pas le temps. On a pas attendu que les motos soient dédouanées sur nos passeports. En sortant, le douanier n'a pas regardé à la bonne page, et c'est passé comme une lettre à la Poste. La chance du débutant quoi !

En revanche, il nous a fallu fabriquer des caisses pour emballer nos motos. On est allé chez CFAO, le concessionnaire Yamaha à Dakar. Des crèmes les mecs. Le chef d'atelier s'est pris d'amitié pour Amaury. "Entre mécanos, c'est normal " n'arrêtait-il pas de dire. Il nous a emmenés dans l'arrière-cour où traînent des dizaines d'YBR 125 ! Un best-seller au Sénégal. Amaury a commencé à lorgner sur les châssis acier qui permettent de transporter ces YBR. Sauf qu'une YBR, ça pèse 125 kilos, soit une centaine de moins que nos Transalp. On s'est grattés la tête et on a fini par superposer et sangler deux châssis acier entre eux. J'ai enclenché la première sur la Transalp et je l'ai montée sur notre bâtis de fortune. Lequel aurait fait blêmir de jalousie et d'ingéniosité Gustave Eiffel. On a sanglé les roues au bâtis, comprimé les suspensions à bloc, et entouré le tout de cartons et de scotch US. On aurait dit un immense chamallow doté d'une poignée d'accélération et d'un embrayage ! Oui, le guidon dépassait du carton. Une pochette informe, prête à te gicler au visage à la moindre manip. Il ne nous restait plus qu'à transporter nos deux ... trucs, enfin les choses-là, jusqu'à l'entrepôt de départ pour Le Havre.

Amaury est sorti dans la rue et a trouvé un tricycle chinois, Lifan, avec à son bord 5 blacks bien costauds. Avec son Fenwick, le chef d'atelier a glissé les deux pales sous la première caisse et a commencé à lever l'ensemble pour charger la moto sur le Lifan. Moi, j'ai vu le châssis se tordre de peur, à l'avant et à l'arrière, sous le poids des roues qui reposaient sur le châssis. On aurait dit une immense banane qui faisait la gueule vers le bas. Le chef d'atelier n'a pas compris ce qui se passait. Il a essayé d'avancer pour charger la moto sur le tricycle. Sauf que le paquet traînait encore par terre à ses extrémités. On lui a dit : "Plus haut!". "Non plus haut! ". " Encore plus haut". Il a levé, levé, levé les pales du Fenwick. Jusqu'au ciel. Jusqu'à ce qu'on réussisse enfin à charger la grande banane dépressive sur le tripoteur. Avec les 5 blacks hyper costauds, je suis allé par la route jusqu'à l'entrepôt. J'ai cru qu'on allait se renverser plusieurs fois dans ces chemins en terre. Sur place, le gérant de l'entrepôt a eu un doute sur ce qu'il venait de voir arriver. Il a soulevé un bout de carton qui emballait la banane géante pour constater que c'était une moto. Y'avait pas de Fenwick pour la décharger mais je crois que c'était mieux. La mecs ont soulevé la maxi banane à la main et l'ont posée à terre, en attendant d'être chargée dans un container.

On est repartis, tous ensemble sur le tricycle Lifan et j'ai eu un énorme pincement au cœur ! Cette histoire signait vraiment la fin de nos aventures africaines. Un Paris / Dakar par les pistes, le sable, les galères, les emmerdes à dos d'une banane mûre de 23 ans et achetée tout juste 1.500 euros sur Le Bon Coin. Putain, que c'était bon. Y'avait pas de chrono, pas de road-book distribué le matin, pas de spéciales mais l'aventure, la vraie, était au rendez-vous. Certains se demanderont quel moment/galère m'a le plus marqué. Avant-tout l'histoire de deux potes qui, ensemble, vont jusqu'au bout d'un truc.

Voilà, je ne te dis pas à demain et ça me fait beaucoup de peine ! Merci pour tous tes messages d'encouragements, ça nous a vraiment fait chaud au cœur que tu nous suives. Laisse moi un peu de temps pour la vidéo, avec 600 Go de rushes, va falloir être impitoyable pour te raconter tout ça, en images animées cette fois. Bise du Sénégal et n'oublie pas d'ouvrir la porte de chez toi et de rouler, droit devant en en zigzagant! Qu'il fasse moins 10 ou 40 degrés. Que ce soit vers Dakar ou ailleurs. Pour une heure ou une vie ! Roule l'ami (e), roule !



Remerciements
- Toute l'équipe de Horizon Moto 95 pour l'achat et la préparation des motos.
- Amaury Baratin mon compagnon de route.
- Oliv Destin (co boss de Horizon Moto 95) et Optimark pour la déco des motos.
- Philippe Trail-Rando (Phillipe et Henri-Pierre) pour les précieuses traces off-road.
- Les équipements de l'aventure:
- Shoei VFX-WR
https://www.shoei-europe.com/uk/news/new-vfx-wr
- Veste Rev'It Cayenne Pro
https://www.revitsport.com/en/jacket-cayenne-pro-41420.html...
- Pantalon Cayenne Pro
https://www.revitsport.com/.../trousers-cayenne-pro-44117.htm...
- Gants Cayenne Pro
https://www.revitsport.com/en/gloves-cayenne-pro-40083.html...
- Nouvelle collection Rev'It à découvrir sur :
https://www.revitsport.com/en/adventure-world/
- Sw Motech pour les sabots moteur, les sacs et les protège leviers
https://sw-motech.com/fr






Fanou


montludo

Citation de: Fanou le Lun  4/02/2019 à 08:29

Et pour ceux qui veulent savoir de quoi parle Lolo avec  " l'Oeil de l'Afrique, l'immense cratère de Gerb Er Richât"  :wink:

https://youtu.be/pTTnYRaZ55A

:shock:  :++:  :boire:
Ave Caesar, morituri te salutant.

JLG

Je ne suis pas allé à Dakar ce matin, non.

Mais j'ai vu ce modèle d' AfricaTwin garée le long du  chantier qui pourrait rendre bien des services .
Même à une Transalp en détresse  :lol: :lol:


Une AfricaDépanneuse  :++: :wink:
"Jésus avait un Macintosh , il vous pardonne tous vos Pécés"

philgood


wagabouz

 :++: Ah la RD04, la plus tout terrain des Africa Twin...

JLG

Il faudrait peut être vous mettre d'accord... :lol:








RD03 ou RD04 ?





Faites vos jeux...rien ne vas plus... :wink:
"Jésus avait un Macintosh , il vous pardonne tous vos Pécés"