Kap2cap , Lolo sur la route du coeur

Démarré par Fanou, Mer 29/01/2020 à 19:38

Fanou

#15


C'est fait, nous sommes à Dakar. L'occasion de te faire un premier inventaire à la Prévert !
- 10.000 km
- De - 31 à + 39 degrés.
- 4 chutes, enfin 2 chacun quoi, soit une parfaite égalité.
- 4 trains de pneus consommés: 2 paires de pneus cloutés + 2 paires de Michelin Désert Race.
- 1 levier de frein cassé.
- 1 bagagerie malheureusement poncée par nos chutes.
- des images plein la tête et surtout, surtout, une aventure qui va pouvoir commencer. Car il nous reste environ 15.000 km à parcourir et ce n'est qu'à l'issue du Sénégal, que commencera pour nous la véritable découverte: Guinée, Nigéria, Togo, Bénin etc, etc ... l'inconnu quoi.

Ha oui, j'allais oublier de te dire un truc. J'ai vu en commentaire que tu avais l'impression qu'on avait déjà fait plus de la moitié du parcours, lorsque nous sommes entrés au Maroc. N'oublie pas un truc. Lorsque tu regardes notre parcours sur Google Earth ou Maps, l'image est toujours centrée sur ta position, la France (qui est pourtant très loin d'être notre mi parcours), faisant ainsi paraître Capetown et l'Afrique du Sud bien plus proches qu'ils ne le sont en réalité.



Bon en attendant, on est arrivés à Saly juste à côté de Dakar. Amaury avait en tête de passer chez son pote Mamadou Bocoum de Mad Bikes (lequel a fini 3è en catégorie "malle-moto" sur le dernier Africa Eco Race) afin de faire un check-up des motos et de changer les pneus. Seul hic, demain, c'est dimanche et Mamadou compte bien aller voir une course d'endurance enduro moto sur le Lac Rose. - "J'ai bien pensé à un truc" me dit Amaury "mais ça pourrait partir en cacahouètes"
- Ha oui quoi ?"
- "... faire l'enduro avec nos T700".

- "Heu, oui Amaury", tout est juste dans ta phrase. Sujet, verbe, complément ainsi que toutes ses assertions qui la composent. Je fais semblant de balayer le sujet mais le ver est dans le fruit. Sournois, torturant, rongeant. Deux solutions. On ne fait pas la course, pas de risque, on est pas là pour ça. Ça serait compromettre tout le reste du voyage. Deuxième solution à laquelle je trouve étonnamment plein de bonnes excuses et d'arguments: on fait la course. Bah oui. Je sais que Yamaha est allé vraiment très loin dans ses tests off road avec la T700, c'est pas une petite endurance dans le sable qui va la tuer. Et puis, ne porte t-elle pas le nom de Ténéré hein ? N'a t-elle pas plus de 70 chevaux, soit une bonne dizaine de chevaux de plus que n'importe quel 450 enduro? Ce voyage est-il raisonnable en lui-même ? Non.

"Ouais t'as raison on va la faire cette course Amaury". Putain, mais qu'est-ce que je viens de dire moi ? D'où ça sort ce que je viens de prononcer? C'est n'importe quoi. On devait se reposer, faire la grasse mat', profiter... Au lieu de ça, lever 7h00, une bonne heure et demie de moto nous attend pour rejoindre Lac Rose. J'avoue qu'au départ, l'affaire ressemble plutôt à une course entre expatriés blancs (je n'ai rien contre hein), mais j'avais envie de vivre autre chose. D'ailleurs, quelque chose me fait espérer que ce ne sera pas que ça. Comme l'absence d'organisation, d'horaires précis, un côté un peu foutoir dont n'importe quel pilote de championnat de ligue n'accepterait pas le quart.


Au fur et à mesure, les pilotes sénégalais arrivent. Leur objectif: "se faire plaisir, vaincre les dunes de lac rose" me confie Mamadou. " ça leur a pris du temps. Avant ils pensaient que s'ils ne gagnaient pas, ils seraient moqués". Alors que tout semble toujours en désordre absolu, d'un coup, les pilotes se regroupent pour deux tours de reconnaissance. Deux tours qui vont littéralement retourner le sable et créer de profondes ornières. 11h00, départ pour une heure quinze de course. Amaury ne lâche rien. Pas facile de sortir la T700 du ce champ de mines, un peu comme si on avait décidé de faire le Touquet avec. Complètement stupide. Au bout de deux tours, Amaury rentre aux stands ... non pour refaire le plein ou pas pour me filer le guidon, mais pour me dire qu'il serait quand même plus sage de ne pas insister. Le sable est devenu hyper profond, la température est étouffante, d'autant que nos Ténéré auront, crois-moi, largement l'occasion de nous surprendre.



En attendant, direction Mad Bikes pour un check total des motos. On vire les Michelin Desert Race au profit d'Anakee Wild qui devront nous mener jusqu'au Gabon. Vidange, filtres à huile et filtres à air qui étaient bien sales dans leur tiers le plus profond. On pensait changer de kit chaînes (nous les avions remplacé au départ par des chaînes en 530 au lieu du 525 d'origine) mais ce n'est pas la peine. On vire les caoutchoucs des repose-pieds qui sont gênants en off-road. Contrôle niveau d'eau et des plaquettes. Nettoyage des commodos qui ont souffert dans le sable. De mon côté, je supprime les poignées chauffantes au profit de poignées mousse. Dans la foulée, nous filons chez Gallo le cordonnier à Mbour. Sa mission, coller des patchs de cuir sur la bagagerie poncée par nos chutes. Enfin, Amaury fixe des morceaux de palettes en bois en travers des plateaux porte-paquets arrière pour offrir une meilleure assise à nos sacs SW Motech Drybag 600 et ne pas les percer. Sinon, RAS, tout est bon, direction la Guinée.







J'en ai profité pour aller chez le coiffeur (pardon Marie) :lol:


Rencontre à Saly avec Olivier de Rando Moto Sénégal qui fait découvrir le pays à dos de ses anciennes Ténéré.



Fanou

#16



Le maillon faible tu connais ? C'est moi. Oui t'as bien lu, c'est moi. Le mec dont tu dis parfois qu'il est "dingue" et que tu admires (un peu trop sans doute) à travers tes commentaires. Pourtant, jusque là, tout allait super bien. Hier, on a quitté Saly juste à côté de Dakar: 622 kilomètres, plein est, pour rejoindre la frontière guinéenne du côté de Kedougou. On s'attendait à un goudron cassé ... il n'en est rien.?

Un large ruban de bitume lisse et impeccable, serpente au milieu d'une végétation aride et clairsemée. Au passage du parc du Niokolo Koba, nous apercevons quelques singes, des phacochères et ... des chèvres. Ouais, j'avoue c'est un peu singulier de te parler de chèvres. En fait, c'est juste parce qu'elles vont par trois. C'est en tous cas ce que me fait remarquer Amaury.

En reprenant le guidon, je me dis que ce mec est quand même un peu chelou... ou alors qu'il doit vraiment se faire chier au guidon pour compter les chèvres. Et puis, comme ça, comme une chanson débile qu'on te met dans la tête et qui ne veut plus en sortir, je me mets à compter. Les chèvres. Une, deux ... trois ... chèvres. Ha oui, c'est marrant ça, y'avait trois chèvres. Certainement le hasard. Et là ? Une, deux, trois chèvres. Et comme ça des dizaines de fois. Trois chèvres. Mais c'est complètement improbable comme histoire.

Mais le plus important, c'est pas tant de savoir compter les chèvres mais plutôt pourquoi tu dois les compter ! Hé bien tout simplement parce qu'en dessous de trois, il est impératif de se méfier. Ça veut dire qu'il en existe une, cachée quelque part, sournoisement, dans un fourré. C'est sûr, elle va bondir sur la route pour rejoindre ses deux autres consœurs, chèvres, juste par instinct grégaire. Au dessus de trois, je sais pas pourquoi, elles restent tranquilles, bien groupées et se sentent plus rassurées. Voilà comment depuis ce jour là, je compte les chèvres ????




Au fil des kilomètres, les gens semblent changer. Ou en tous cas, leur réaction à notre égard change. Le tourisme de masse de Dakar s'estompe et leur surprise de nous voir débarquer, se lit davantage dans leurs yeux. Aux stations essence, les petits talibés m'arrachent toujours autant le cœur. C'est quoi un talibé ? C'est un bout de chou qui peut n'avoir que 5 ans (et jusqu'à 15 ans). Issu d'une famille pauvre et rurale, il se voit confié par ses parents à un maître coranique pour faire son éducation religieuse. Sauf que le talibé doit en contrepartie s'acquitter des travaux domestiques et mendier dans les rues pour subvenir à ses besoins et à ceux de son maître. Nous achetons un peu de nourriture que nous leur donnons en essayant d'éviter un maximum les "émeutes".



La route qui mène à Kedougou ressemble également et un peu, au "salaire de la peur". Non pas par sa difficulté mais par le nombre de camions en panne qui la jonche. C'est l'axe principal qui relie le Sénégal au Mali. Sans doute, les chauffeurs poussent-ils davantage leurs tracteurs aux limites de leur motorisation, puisque le goudron est désormais bon, me fait remarquer Amaury. On retrouve ici tout le parc 38 tonnes réformé de l'Europe avec des enseignes françaises dont je n'avais plus vu le nom depuis au moins 30 ans. Tout est à bout de souffle! Un voyage ne s'envisage pas sans son chauffeur et surtout, son mécanicien.

Kedougou, ville frontière. Nous passons la nuit dans une auberge au bord du fleuve Gambie, dans un relais de chasseurs. Pourquoi pas ? Mais de là à enfermer deux pauvres macaques dans une cage de trois mètres de diamètre pour distraire trois pauvres pèlerins, là, j'avoue que je comprends carrément pas le concept.

Le lendemain, nous visons la ville de Mali, par une piste que nous imaginons compliquée car elle est indiquée comme "not passable for cars" sur l'appli overlander. Oui mais nous, on est en moto. Nous savons également que la Guinée est également en période d'élections et surveille plus âprement tous les mouvements de frontières ... les entrées, les sorties. 40 kilomètres plus loin, la police sénégalaise tamponne nos passeports et nous demande au passage, si nous avons fait viser les motos à la douane à Kedougou ?


Mais Kedougou, c'est 40 kilomètres derrière nous ? Heu non, ça, on ne l'a pas fait. On esquive un peu la question, masquant malgré tout et assez difficilement notre surprise de devoir se retaper 80 bornes aller/retour de cette piste défoncée.

Soit! On décide de continuer et de tenter notre chance comme ça. Un peu comme le no man's land entre le Maroc et la Mauritanie, nous devons parcourir dix kilomètres dans le "vide" où nous ne savons pas si nous sommes au Sénégal ou en Guinée, avant de trouver le poste de frontière guinéen. La piste devient tout au plus un chemin de chèvres qui grimpe sérieusement. Encore un peu plus loin, ce sont désormais des marches qui nous attendent avec d'énormes pierres entre lesquelles nous devons trialiser mais aussi et parfois passer en force. Il fait 41 degrés, j'étouffe, je surchauffe. Sur une pierre, je bute et chute avec la moto. En tentant de relever la moto, je prends un vrai coup de chaud. J'ai envie de vomir, j'ai le palpitant à bloc. Je suis incapable de continuer. Je suis comme tétanisé, je suis ... je suis, je suis : LE MAILLON FAIBLE. Amaury prend le relais et grimpe ma propre moto avant d'en faire de même avec la sienne.



T'inquiète, j'en fais pas une affaire de fierté, ni même d'égo. C'est juste que je me dis toujours de ne jamais me fourrer dans une situation dont je ne serais pas capable de me sortir seul ... je n'aime pas ça. Je pars du principe que même à deux, chacun doit être capable de faire sa part de boulot. Pourtant, le chemin de croix n'est pas terminé. En regardant le GPS il nous reste encore quelques lignes de crêtes à franchir. J'ai du mal à m'en remettre. Passer de la position assise par terre à assis sur la moto me coûte une double envie de vomir.

Nous arrivons enfin à la douane guinéenne. Une cahute où se font clairement suer, quatre douaniers au milieu d'un vrai village de brousse. On fait profil bas. Le douanier en chef nous demande ... nos carnets de passage en douane. Ouf, ça on les a et heureusement (merci Antoine Valla de l'agence RIDE & DRIVE). Au lieu de chercher sur nos passeports si les motos sont sorties du Sénégal, le douanier remplit directement nos carnets de passage en douane, tout neufs, et nous souhaite ... la bienvenue en Guinée.



Cinquante mètres plus loin, c'est la police qui remplit nos passeports. Dans la case du policier, je remarque que le lit est installé à 10 centimètres ... de son bureau. Honnêtement, avec toute cette brousse autour, y'a pas plus poreux comme frontière. Le mec ne doit jamais voir passer personne, on doit être ses premiers clients depuis 10 ans au moins, c'est pas possible. "Bienvenue en Guinée". Tu m'étonnes, on en rêve depuis 10.000 bornes.



Ha, au fait, la piste que je te décris depuis tout à l'heure, s'appelle la route nationale ... franchement même avec un vrai bon 4x4, en première courte, il y a des endroits où je me demande vraiment si ça passe. Histoire de se simplifier la tâche, on repère une coupe sur un sentier qui va nous faire économiser, un immense détour par le nord. Le sentier n'est emprunté que par les mobs chinoises que les guinéens conduisent avec une incroyable dextérité. Je sais que tu ne vas me croire mais là, le sentier se transforme en single Track de montagne, tout en montée, avec des épingles inversées. Surtout ne pas se déconcentrer. On joue des appuis sur les repose-pieds, on reprend l'embrayage, le frein arrière, on monte sur les rebords avec la roue avant pour mieux virer dans les épingles. On tente d'esquiver chaque grosse pierre. Je te jure que nous sommes à la limite de ce que peuvent permettre nos Ténéré que je trouve incroyablement douées dans cet exercice et incroyablement résistantes.




Une heure plus tard, nous parvenons à un groupement de cases. Une sorte de tableau idyllique, un paradis. Un petit plateau surplombé par un immense pain de suc. Une brume de chaleur épaisse qui donne l'impression que le soleil se couche bien avant l'heure prévue. Et surtout, surtout, une bonne cinquantaine de paires d'yeux qui nous scrutent. Après discussion, nous sommes autorisés à planter nos tentes au milieu du village.



Photos, drône, partie de foot, visionnage de la partie norvégienne de notre voyage sous la neige, tout y passe. Honnêtement, j'y peux rien, filmer c'est mon métier. Mais là, j'avoue qu'avec tout ce matos, c'est quand même un peu comme si une soucoupe volante venait de se poser au milieu du village. D'ailleurs, ils n'ont pas de nom pour mon drone et ont décidé de le baptiser "avion". Tout simplement. Je sais que ça fait con de dire ça, mais les guinéens sont d'une gentillesse et d'une hospitalité incroyables.




La nuit vient de tomber. Pas de lumière, pas de smartphone, tout au plus des "briques (tu sais, une brique, ton ancien téléphone quand il n'y avait que des touches pour appeler quelqu'un)... la soirée prend une étonnante saveur. Nous goûtons le tô plat composé d'une pâte de maïs, accompagné d'une sauce un peu forte issue du baobab. 23h00, nous sommes claqués et annonçons prendre congé de nos hôtes et souhaiter nous coucher. Amaury voulait dormir dans sa tente, juste avec la moustiquaire, sans la doublure. Pour ma part, j'installe la doublure. Sûr que si j'avais dormi comme ça, je me serais réveillé le lendemain avec 200 paires d'yeux, rougis mais heureux de m'avoir regardé dormir tout la nuit. Allez, je te laisse, l'aventure vient de commencer !



Fanou

#17




La Guinée

J'ai 100.000 choses hallucinantes à te raconter! Pourtant tu sais, en préparant ce voyage j'ai contacté deux ou trois personnes qui comptent, dans le milieu de l'aventure et du voyage". Histoire d'avoir des infos, des traces, des bons plans, du partage quoi. L'une d'entre elles (cherche pas je ne te dirais pas son nom et de toute façon il n'est pas français) m'a limite "badé", ignoré, me répondant d'un dédaigneux: "l'Afrique par l'ouest ? Just boring ". Chiant quoi ! Ho, merde, putain ! Le projet d'aventure des autres? Même si c'est pas ton kif, tu apportes ta pierre à l'édifice, tu l'encourages, tu le construis. Mais là rien !

Ce que j'en pense ? C'est que le mec a du se gourer de navigateur ou bien de GPS. Certains prennent un TomTom, d'autres un Garmin, moi, j'ai choisi un modèle Amaury dans la gamme Baratin (rigole pas il t'est forcément arrivé de râler après ton gps en disant qu'il racontait que du pipo). Il perd un peu tout, et tout le temps (c'est con pour un GPS) mais globalement, il est étanche (enfin là encore ça dépend de quoi on parle) robuste, et plutôt efficace. Le matin, tu lui dis "je veux pas de goudron, choisis moi que du single track" . Et là, tu obtiens 1.000 kilomètres de dingue en Guinée. Je pense même que j'ai activé l'option "mets nous bien dans les emmerdes" mais j'arrive pas à la retrouver dans le menu pour la désactiver. Pas grave, j'aime bien ça aussi. Les emmerdes.

Bref, ces quatre jours en Guinée ont été une absolue révélation. Je t'ai quitté l'autre jour en te disant qu'on avait planté notre tente dans un petit village et qu'on avait passé une soirée délicieuse en compagnie de nos hôtes non connectés. Sous ma tente, je pensais dormir comme un bébé mais... l'harmattan s'est levé. L'harmattan ? Un vent du nord-est, très chaud le jour, plus froid la nuit. Très sec et le plus souvent chargé de poussière. J'étais content de le connaître mais il a fait claquer la doublure de ma tente toute la nuit et j'ai pas trop bien dormi.

A côté de ma tente , les femmes ont également discuté jusque tard dans la nuit. J'ai pas compris d'ailleurs. Il n'y a rien à faire dans le village, rien ne s'y passe et quand bien même, il s'y serait passé quelque chose dans la journée, tout le monde habite et passe la journée ici. Donc pas la peine d'en débattre jusqu'à minuit non plus. Mais de quoi peuvent-elles bien discuter ? Du sens de la vie sans doute. De choses que mon petit cerveau étriqué et formaté ne peut pas comprendre.

Au petit matin, j'avais donc la gueule fripée. Mais j'étais heureux de reprendre le guidon sur ce sentier muletier qui contourne l'immense pain de suc ! On a refait nos bagages et avec plus de naturel que dans "rendez-vous en terre inconnue", on a dit au revoir à nos hôtes. Simplement. Amaury a juste sorti un petit billet pour que les gamins puissent s'acheter un ballon de foot tout neuf. Moi, j'ai sorti la boîte de pansements car on a frôlé le drame.

Les enfants étaient tellement excités par notre départ qu'ils se sont mis en tête de suivre nos motos et ... de s'accrocher au porte-bagages jusqu'à ce qu'une fillette tombe et reste accrochée. Désinfectant, pansement tout neuf, on a fait le boulot, mais on a aussi fait les gros yeux (bah ouais faut savoir se faire respecter des fois) et on est reparti en direction de la ville de Mali. On y a fait un petit dej très rapide (omelette dans le pain avec mayonnaise et oignons) avant de filer vers Mamou. Au passage d'un petit village nommé Fougou, un type nous interpelle. C'est le maire du village et il a l'air super doué en communication.

Il me dit que son village s'appelle Fougou. Je lui dis que "fugu" en japonais, c'est le nom d'un poisson dont le foie est mortel au Japon. Ses yeux s'écarquillent en grand et il me dit: "on a eu la télévision japonaise il y a quinze jours. ils sont venus voir l'homme le plus vieux au Monde. Ibrahim Telima. Vous voulez le voir?" Bah, on voudrait pas le déranger pendant sa sieste non plus hein. On a circulé entre quelques cases et on est arrivés devant une maison où on nous a fait asseoir sur des chaises en plastique et demandé d'attendre.




Putain, ça m'a foutu la trouille. Je savais pas à quoi ça pouvait ressembler un mec de 126 balais. Je déteste les films sur les momies, les morts vivants et tous ces trucs là. La porte s'est ouverte et on a vu sortir un type, certes âgé mais qui marchait seul. Oui seul ! Il s'est assis, on a sorti trois banalités que tu vois dans tous les reportages télé sur l'homme le plus vieux du monde ! Du genre: "la santé ça va ?". "Et vous comptez vivre jusqu'à quel âge ?". "Vous avez du enterrer toute votre famille, non ?" et on s'est cassés. Faut dire qu'on est pas trop visite de monuments historiques avec Amaury.

On a filé sur Mamou puis Kankan. Et c'est là que les choses ont commencé à se tendre un peu. En tous cas dans notre cerveau. Kankan est bien à l'est de la Guinée, pas très loin du Mali. Il y règne une atmosphère particulière. La ville n'est quasiment pas éclairée la nuit, enfumée, polluée et on nous a conseillé de ne pas trop traîner. Ce qu'on a fait. Enfin presque puisque Amaury est parti changer de la tune sur le marché noir ! Changer de la tune en pleine nuit, une bonne idée à la con. Faut croire qu'il lui restait quand même un peu de connexion satellite, puisqu'il a finalement décidé de se rabattre sur un distributeur automatique à côté d'un garde.

Dans un hotel soit disant réputé, on a bouffé notre plus mauvais poulet jusque là, on a dormi et on s'est cassés le lendemain. En direction de la frontière avec la côté d'Ivoire. Tu sais, toujours avec le mode "maximum d'emmerdes" enclenché sur le GPS. Sur la piste, on a commencé à se faire arrêter par la gendarmerie routière. Je ne sais pas pourquoi mais comme une sensation, un étrange sentiment. Un ton plus sec, plus affirmé. On ne plaisante plus ici. Tout est en règle, on nous a laissé repartir. La piste, qui est répertoriée comme une "nationale", vaut tout au plus pour un chemin un peu costaud en Lozère (le dénivelé en moins).



Quelques bornes plus loin, on a commencé à croiser des mecs. Avec des flingues. En bandoulière. A l'entrée d'un village, je me suis arrêté pour faire remarquer à un autochtone qu'il avait un joli fusil. Oui mais pour quoi faire cher ami ? Il a pas su me répondre ... on a traversé le village où un mec avait un machette pleine de sang, à la main. Dix mètres plus loin, un autre mec (ça devait être lié avec le gars à la machette) qui avait pris soit, un très gros coup de machette, soit deux coups de machettes bien distincts car il avait du sang au ventre et à la bouche. On s'est pas attardés, je t'ai déjà dit qu'avec Amaury, on aimait pas les visites touristiques.




On s'est enfoncés encore plus dans la jungle où tout le monde pratique l'écobuage sauvage. On a traversé des portions entières de forêts fumantes laissant planer une étrange brume. Plus curieux encore, les troupeaux de bœufs venant de se coucher au ras des arbres calcinés pour renforcer cette atmosphère fin du monde. En traversant ces portions fumantes, la température grimpe d'encore un ou deux degrés supplémentaires portant l'histoire à 42 !!! Nouveau contrôle de police où on nous demande ouvertement et très maladroitement un bakchich !!! Mon GPS (Amaury je te le rappelle) qui ne perd jamais le nord, trouve une solution idéale : des pâtes carbonara ! Un peu salaud mais réfléchis bien aux ingrédients, tu verras que le mec (et sa femme qui était fière comme un paon d'avoir décroché une prise de guerre devant tout le village) n'est peut-être pas prêt d'en profiter.

17h00, une rivière se présente à nous avec en son fond, des dalles de pierre ultra glissantes. Les deux motos vont aller à l'eau, nos fringues et nos bottes (lavées/séchées la veille) également. Nous n'avons fait que 180 bornes sur ce chemin infernal. La nuit ne va pas tarder à tomber. On hésite! Que faire ? Dormir sur place ?C'est bourré de moustiques, pas trop sécurisé, et un point d'eau, c'est l'endroit où viennent boire les animaux. Moi la Guinée, je ne connais pas sa faune, mais je tiens pas à partager ma tente avec. Mon duvet non plus sachant qu'un sac de couchage s'appelle aussi sac à viande si tu vois ce que je veux dire. On décide donc rejoindre le prochain village, Karala. Même de nuit, ça sera plus raisonnable! Il reste 40 bornes à faire dans cette atmosphère surréaliste.

18h30, un tout petit avant la nuit, je jette un œil sur la pochette de mon guidon et ... merde j'ai paumé mon téléphone. Là où j'ai toutes mes photos, mes notes !!! Hors de question de renoncer. Demi tour sur 10 kilomètres avant de le retrouver... en plein milieu de la piste. Demi tour à nouveau et c'est reparti pour le village de Karala. Sur cette piste où nous devons constamment changer d'ornières, pas le droit à l'erreur, à la chute. Là où nous sommes, personne ne viendra nous secourir (dingue comme le film peut monter vite dans ta tête). Pour la première fois de ma vie, j'ai bien emporté une vraie trousse de secours conséquente, avec des pansements hémostatiques destinés à l'armée. 60 euros LE pansement mais je suis pas sûr d'arriver à m'en servir sans vomir. Alors ... Amaury qui ne voyait plus rien dans son masque part à la faute. Heureusement sans conséquence. Une heure plus tard, nous arrivons enfin au village de Kerala.




Se pose alors et toujours la dernière question de la journée ... celle que tu as le moins envie de te poser à cet instant là. On dort où? Tu sais l'instant où tu rêves de quitter tes pompes, d'une bonne douche et d'un bon repas. Dans ces cas et malgré tout, je fais super bien le mec qui ne doute de rien. J'avance un : "Vous savez où on peut dormir dans ce charmant endroit ? ". Genre! Comme si il pouvait y avoir un hôtel dans ce hameau de cases. Je sais très bien que non. Mais un gars finit par nous demander de le suivre. Il nous guide jusqu'à une grande maison éclairée. Non pas une case comme les autres, une vraie maison. On nous demande d'attendre sur le perron. Fini par sortir Monsieur Kémo Condé. Directeur général de la supervision des institutions financières en Guinée. Venu quelques jours en vacances, dans son village d'enfance.

Il nous apprendra qu'à part l'éléphant, il ne peut pas nous arriver grand chose dehors. Que les hommes armés de fusil sont tout simplement des Peulhs qui perpétuent une tradition de chasse bien ancrée dans cette région. Que l'écobuage, c'est pas terrible mais les paysans n'écoutent rien. Allez j'en rajoute un chouïa dans mon descriptif mais j'avoue que parfois, même si tu as l'habitude de voyager, ton instinct de survie et la prudence peut faire monter la pression. Nous qui pensions donc finir empalés par un rhinocéros, cuits à l'écobuage sous le joug de rebelles, on a dormi comme des princes dans deux immenses chambres lit king size ! La pression est cette fois-ci montée pour rien !!!

Reste connecté, je vais te raconter comment, avec amaury, nous sommes devenus deux immigrés clandestins en Côte d'Ivoire !

Yamaha Motor
SHOEI France
SW-MOTECH France
@amaury baratin
#kap2Cap
#tenere
Et n'oubliez pas ce voyage sert à collecter des fonds pour l'association Mécénat Chirurgie Cardiaque! Objectif 26.000 euros pour opérer deux enfants



https://relaisducoeur.mecenat-cardiaque.org/.../from-ice-to-f...

Fanou










Amaury/Momo. Je sais pas ce que c'est mais "ouais quoi, fais juste un Momo"





Vous ne viendrez plus chez nous par hasard







La seule chose qui nous manque (hormis nos femmes et nos enfants que j'embrasse fort) c'est la bouffe française alors on s'est arrêtés au Parisien





Merde on a tourné en rond ... nous voilà de retour au Cap Nord ... après réchauffement climatique définitif :-(







Maxi 19 personnes dans un taxi ... mais c'est sans compter sur les enfants et les adultes sur le toit ...






Amaury tout heureux d'avoir trouvé un KataKatakani (tricycle) qui fait de la pub en Guinée pour son magasin de motos, Horizon Motos à Saint-Ouen-l'Aumône !






Amaury est au chômage avec nos Ténéré 700. Il se "venge" en dépannant les locaux qui achètent des chinoiseries par palettes de 100.000 !






Fanou

#19



Le confort nous a happé et ... on s'est un peu oubliés sur le réveil ! Kémo Condé, Directeur général de la supervision des institutions financières en Guinée qui nous héberge (je te le rappelle) semble être pressé. Il doit également préparer les élections législatives du premier mars prochain dans plusieurs circonscriptions. Mais avant cela, il tient à nous préparer un café.

Un vrai, un expresso, avec une vraie machine. J'ai les yeux qui brillent, ça fait deux semaines qu'on boit cette saloperie de café soluble. Bon, OK, son café n'est pas super écologique car il faut démarrer le groupe électrogène pour stimuler la machine. Sans compter que le café Nespresso, il a du faire un aller/retour en Europe.

Et avec le nespresso ? Bah du riz et encore du riz. Ce matin là, j'ai senti mon estomac se verrouiller. Le microbiote a commencé à se poser des questions? En bas, tout au fond, les mecs (bactéries, archéens, fungi et tout le reste) se sont regroupés ! Ils ont mis un gilet jaune et se sont gentiménent réunis autour du rond point de la rate, du foi et de l'estomac. "Oui, alors bon, ça suffit maintenant. Avant on avait bière haribo tous les soirs, depuis une semaine, c'est riz/bouillie de riz. Et pourquoi pas patates/purée pendant qu'on y est. Allez hop, on fait grève." Et le fait est que j'ai commencé à sentir mon pantalon glisser sur mes hanches. Tu vois, y'en a qui essaient tous les régimes: Ducan, Ducon ... bah nous c'est Decan. Decan ? Estcequonmangepourdevrai ?Et ça marche super bien.



Ne va pas croire que je n'aime pas ce que l'on mange, c'est juste que, à leur corps défendant, c'est assez répétitif. D'ailleurs, la Côte d'Ivoire de ce côté là, sera plus proche de nos goûts que la Guinée. Pas mal de petites salades, de légumes et une semoule délicieuse, l'attieké (putain si nos meufs lisent ça, on va en prendre pour dix ans de l'attiéké!). Du poisson de rivière. Mais aussi plein d'abats, comme les rognons. J'ai aussi vu des mecs en bord de route nous présenter à bout de bras, un truc qui ressemblait à un rat. Un peu moins gros mais plus long. Bon allez, j'arrête de te faire saliver, de toute façon, un raid comme ça, c'est pas fait pour bouffer.




Avant de prendre congé de Kémo Condé, mon éducation et ma bien pensance m'ont fait demander: "que vous doit-on ? ". Kémo a souri et d'une voix tranquille a dit: "mais, c'est moi qui vous doit quelque chose. Mon accueil était-il à la hauteur ?". Grosse gifle dans ma tronche. L'accueil du voyageur est ici sacré. On a remercié comme on a pu (pas simple de trouver les bons mots après une telle sentence) et on a filé au village mettre de l'essence vendue en bouteille. Vu le dépôt au fond de ces dernières, façon Chateau Lafitte de 1912, j'ai conseillé à Amaury de remettre ce foutu filtre à l'entrée du réservoir. Je dis foutu car une fois en place à l'entrée du réservoir, il faut des heures pour faire le plein à chaque fois. Et on a repris la piste.

Je sais que t'as pas envie d'y croire mais cette fois-ci, sur la piste, y'avait carrément plus la place pour nos sacoches. Un joli sentier monotrace qui passe de l'appui gauche à l'appui droit en permanence. Des marches, des pierres, du sable et de hautes herbes sèches qui ne cessent de fouetter nos sacoches. Et cette Ténéré 700 qui nous régale dans cet exercice. Ça fait maintenant quatre jours qu'on ne fait plus vraiment du trail, mais de l'enduro.



On croise un type en mob qui porte un uniforme de l'armée et qui semble vouloir me dire quelque chose mais ... trop tard. On est déjà passés. Ça aussi, le "trop tard" je le fais super bien, ça évite parfois de perdre trop de temps en palabres. Sur certains contrôles routiers, j'arrive à me planquer derrière un camion et à me glisser, ni vu ni connu en même temps que lui, dans le flot. Je le fais pas pour gruger, c'est juste qu'ils sont tous hyper curieux et veulent souvent un selfie ! Sauf que là, au village suivant nous attendent les militaires. Le trouffion nous conduit auprès de son gradé. Un mec immense, à la mine carrée. On entre dans son bureau. On s'assied. Pas un bruit. Silence ! Le mec relève la tête, me fixe et me dit d'un ton sec "présentez-vous".

Je sais plus si je suis à l'armée, à l'école ou chez les flics parce que j'ai fait une connerie. Je m'exécute en choisissant le ton du cadre dynamique en recherche active d'emploi. Peut-être pas me plus approprié à la situation. Mais bon. Le gars inspecte nos documents sous toutes les coutures. Et pose quelques questions en guinéen à son "trouffion". Sauf que dans les questions, y'a toujours un mot français qui traîne. Du genre "bagages". Merde j'espère qu'il va pas tout nous faire défaire. Et puis avec tout mon bordel vidéo, je redoute toujours de me faire emmerder. Il demande à voir les motos. On sort. Il nous fixe et nous dit "vous pouvez y aller." Il me sert la main super fort et finit par ... se marrer franchement. Putain de technique de Sioux juste pour t'impressionner. Pour jouer le jeu, je l'ai salué d'un "bonne journée, mon commandant" et j'ai cru qu'il allait se mettre au garde à vous tant il a kiffé !

A force de suivre ce sentier, on a fini par buter sur la frontière. Dans un tout petit village. Le douanier était bien là. Enfin façon de parler car il n'avait pas d'uniforme et de toute façon, le chef était parti ailleurs, avec le tampon dans ses poches. Pas trop regardant sur le process, on l'a invité à tout simplement signer et dater nos carnets de passage en douanes. Ce qu'il a fait. Un peu plus loin, l'armée guette la frontière et nous explique qu'ici, on arrivera jamais à franchir le fleuve. Le pont est cassé et la hauteur d'eau est trop importante. Non, nous devons longer le fleuve sur 5 kilomètres et trouver un passage à gué. De toute façon, le tracteur est passé ce matin, il n'y a qu'à suivre sa trace ... qu'on ne trouve pas, On longe, on erre, on se trompe deux fois jusqu'à trouver effectivement des enfants qui jouent dans une hauteur d'eau fréquentable pour nos motos.



On traverse, nous voilà en Côte d'Ivoire ... sans absolument aucune existence légale. Nous n'avons pas de tampon de sortie de la Guinée, pas de tampon d'entré en Côte d'Ivoire, pas de carnet de passage de douanes dûment rempli pour nos motos. On n'est pas inquiet plus que ça. On va aller à Odienné, à 80 km de là, régulariser tout ça.

On s'avale 40 de piste, on rejoint le goudron, on tourna à gauche, direction Odienné. Juste avant la ville, un contrôle de police. Passeports et tout le toutim. Le truc s'éternise. Une heure. Arrive une deuxième caisse de flics. Puis une troisième. On explique notre cas à chaque fois. Mais on dirait que quelque chose ne va pas. Soit les types refusent de comprendre, soit y'a un truc qui cloche.

Pour ne rien gâcher, il fait 40 degrés. Les flics m'invitent à me mettre à l'écart, à l'ombre. Pourquoi ? Parce qu'il y a trop de monde ici, des gens avec des armes, tout ça. On ne sait jamais. Le fait est qu'un chauffeur de poids lourds est en train de s'embrouiller avec un flic car il semble que celui-ci lui réclame un bakchich. Le flic a la main sur le pétard mais l'autre continue de l'invectiver, visiblement à raison ... Le flic finit par dire "je vais te tirer". Gloups ... Plus d'une heure trente qu'on est là, à attendre que la dizaine de flics qui s'occupe de nous, nous dise ce qu'il se passe. L'un d'eux m'appelle et me pose enfin une question: "mais vous faites comment pour franchir les frontières ?". Heu, je m'attendais pas à celle-là. "Comment ça les frontières. Vous voulez dire depuis notre départ?". "Oui vous êtes bien passés par quelque part avant la Côte d'Ivoire et la Guinée ?". Putain, ça y est je percute.

Les mecs essaient de retracer notre parcours depuis la France, mais, ce qu'il ne savent pas, c'est que nous avons deux passeports. Et qu'ils n'en ont qu'un entre les mains (dans l'autre, il y a les tampons pour le Maroc et la Mauritanie par exemple). Donc ils croient qu'on gruje à chaque frontière et qu'ils sont tombés sur du gros gibier qui vient éventuellement du Mali. Un groupe terroriste armés d'une T700 (c'est une arme mais pas dans ce sens là)! "Attendez, attendez, c'est une méprise, je vais vous expliquer..." je sors mon deuxième passeport.

Pendant ce temps-là, et je te jure que c'est vrai, un autre flic est à l'écart avec Amaury avec, dans sa tête, la même question. Il essaie de résoudre lui aussi l'énigme "comment faisons-nous pour traverser les frontières" et a sa propre idée sur la question ? D'ailleurs, "pour passer de l'Europe au Maroc, c'est quoi ? Une rivière que vous avez franchi à moto." Amaury a failli tenter un "oui, ça passe à marée basse" mais il a eu un peu peur de vexer le mec.

Les flics finissent par nous demander de les suivre en convoi jusqu'au commissariat d'Odienné. L'affaire se détend. Heureusement car le risque au départ, c'était de devoir retourner en convoi jusqu'à une frontière guinéenne valable pour eux. Amaury file acheter des coca, du chocolat, des gâteaux, qu'on offre à tout le monde. Et c'est reparti pour une séance de selfies. Les plus acharnés vont jusqu'à mettre leur costume officiel. Ouais, j'avoue qu'en Afrique, tu sais jamais qui est flic ou pas. Le mec habillé en camouflage, le gars avec un brassard, le gars en survêtement, le mec à la Kalach ou le playmobile ? L'histoire tourne à la franche rigolade au point que j'ai l'impression de tourner un remake du gendarme à St Trop'. Le pire dans tout ça, c'est que personne, je dis bien personne, n'a jamais vu que nos visas commençaient ... le lendemain de notre entrée en Côte d'Ivoire. N'empêche qu'on a perdu notre journée dans l'histoire. Pour le carnet de passage en douanes, on nous demande d'aller régulariser la situation à 200 bornes de là, à Man où ... le système informatique sera à nouveau en panne.



Devant notre soif d'aventure et d'off raad, c'est vrai qu'on a été un peu légers sur notre façon d'entrer en Côte d'Ivoire et que ça nous coûte cher. D'autant qu'on avait décidé de ne pas trop s'attarder en Côte d'Ivoire, ni au Ghana, notre objectif étant de rejoindre Liomé au Togo pour rencontrer Larissa, une fillette opérée du cœur par Mécénat Chirurgie Cardiaque quand elle avait trois ans.

Yamaha Motor
SHOEI France
SW-MOTECH France
Amaury Baratin

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Et n'oubliez pas ce voyage sert à collecter des fonds pour l'association Mécénat Chirurgie Cardiaque! Objectif 26.000 euros pour opérer deux enfants

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Fanou




Avoir la foi ou avoir les fois ? Parfois la frontière est extrêmement mince entre les deux. Mais avoir la foi est sans aucun doute, et finalement, bien plus fort et intéressant.??Pour plusieurs raisons. Je t'en raconte une dernière et après je te fous la paix avec toutes ces histoires, car je pense que ce n'est pas prêt de s'arrêter. Après avoir traversé la Côte d'Ivoire, on est entrés au Ghana. Juste après avoir franchi l'impressionnante Volta River, à Sogakope, on s'est fait arrêter pour un énième contrôle de police. Sans souci, on s'exécute. Car globalement nos rencontres avec les forces de l'ordre sont toujours amicales et plus empreintes de curiosité que d'autres choses. Sauf que là, le mec avait une seule idée en tête: nous soutirer 80 euros, 50.000 CFA ! Soit une fortune.

En épluchant nos papiers, il tombe sur le permis international d'Amaury qui est expiré! Oui nous sommes en faute. Mais le mec en fait des caisses "it's an offense, you will be prosecuted to the law court tomorrow!". Hein, demain ? Mais, demain, on a rendez-vous à Lomé, avec Larissa, une fillette opérée par Mécénat Chirurgie Cardiaque. Forcément, le mec sait que nous n'avons pas le temps. Bien sûr que si nous avions décidé d'attendre, il se serait barré de son service dans la soirée, sans rien nous soutirer. Et que si nous avions été traduits en justice, je n'aurais pas manqué de raconter ce qui suit.





Le mec m'emmène dans son bureau, suivi de trois morts de faim. "C'est 50.00 CFA" ou tu restes". J'ai raqué, j'ai claqué la porte en sortant et j'ai craché par terre devant les autres flics. L'espace de cet instant, j'ai perdu la foi et j'ai eu les fois. Surtout parce ce sont les regards les plus vils et ce qu'à l'humanité de plus détestable, que j'ai vu au fonds de leurs yeux à ce moments là. La cupidité, l'avidité ...

Mais, je suis remonté sur ma moto. OK, la corruption gangrène tout dans ces pays. C'est comme ça! Mais surtout, très vite, j'ai repensé à tout ce que nous étions en train de vivre. De faire. A cette traversée, certes destinée à verser une goutte d'eau pour aider tant de populations en souffrance, mais malgré tout à cette traversée Kap2Cap destinée à faire opérer en France, des enfants souffrant ici de malformations cardiaques. ??Si les bons moments et les belles rencontres ont largement pris le dessus, je ne vais pas me voiler la face non plus, sur tout le "reste". Ce que je vais te dire n'a aucun fond de vérité, c'est juste la photographie qu'a pu prendre mon œil à un instant "t". Ce n'est pas une nouveauté ni une grande nouvelle, mais le Monde souffre. La Guinée traversée par les campagnes et les chemins nous a flashée par la diginité et l'accueil de ses populations. La Côte d'Ivoire que nous avons parcourue davantage par le bitume, nous a semblée bien plus en souffrance. Une misère plus visible, des gens nus qui parfois errent, ou ivres, abandonnés presque au milieu de la route (même les flics sont capables de passer à côté d'eux sans s'en pré occuper !!!). Nous ne sommes pas toujours les bienvenus. Nous n'insistons surtout pas et nous montrons discrets.

Bref, j'ai essayé de garder la foi en me disant que nous n'étions jamais, pour eux que des extra terrestres, un peu trop curieux. Et c'est vrai. J'ai aussi gardé la foi en pensant à la petite Larissa que nous devons rencontrer aujourd'hui, et qui a eu la vie sauve voilà quelques années, grâce à d'autres personnes, comme toi, qui ont décidé de donner à l'association Mécénat Chirurgie Cardiaque. Encore une fois, dans l'histoire, nous ne sommes RIEN. Juste les messagers d'une chaîne à laquelle tu participes. Ça ne nous confère aucun statu, aucune bonne conscience, juste la sensation de donner un peu plus de sens à ce voyage!





Du coup, plutôt que d'avoir les fois, j'ai décidé une chose essentielle. La petite peluche que j'emporte avec moi depuis le début de cette aventure, le petit ourson fétiche de Mécénat Chirurgue Cardiaque, bah, je lui ai sorti la tête de la bulle. Je voulais qu'il soit fier de vous tous. Ho les mecs et les filles, 15.000 euros collectés depuis notre départ, c'est juste énorme.

Alors merci, merci, merci. Il n'y a pas de petits ou de gros donateurs. Tous, vous avez oeuvrés pour ce résultat, cette cause. Du simple particulier à des entreprises comme Sateco qui d'ailleurs sponsorise également le célèbre Motoball Club de Neuville du Poitou. Ou encore l'association des motards du 06. Qui dès octobre dernier décidait de verser le "bénéfice" de son année 2019 à Mécénat Chirurgie Cardiaque. Merci, merci, merci, 1.000 merci, 100 millions de mercis à vous tous. Merci aussi à Yamaha qui me suit dans cette incroyable aventure avec ces Ténéré 700 au comportement incroyable. L'histoire est belle et j'ai la foi (même si je suis agnostique).

Du coup, j'ai repris la foi pour de bon. Et ça a du me servir. Parce qu'hier, sur du goudron cassé, j'ai pris un énorme pain dans la jante arrière. Qui a désormais une sale tronche mais ... je n'ai pas crevé. De quoi avoir la foi. J'ai aussi la foi parce que l'autre jour à Accra, dans un hôtel, avec Amaury, on avait décidé de faire laver nos tenues de moto (j'ai dit que c'était des "safari suits", des tenues de safari). Ils ont du me croire parce que ça sentait la hyène et le chacal en même temps.??Le seul truc, c'est qu'au moment de récupérer nos fringues, le responsable de la laverie a débarqué dans notre piaule avec deux employés. Sans doute pour nous demander des dédommagements pour l'odeur ... Même pas. Le responsable a sorti de sa poche une enveloppe et m'a dit: "on a trouvé ça dans une poche en faisant le nettoyage. On a compté les différentes coupures, dites nous si tout y est.". Ho, putain ... c'était les 2.000 euros que je planquais dans la ceinture lombaire de ma veste ... mais que j'avais oubliés de retirer. J'ai pris l'enveloppe, j'ai pas recompté. Je sais pas mettre les gens mal à l'aise. J'ai remercié tout le monde et donné une petite récompense. Les trois loustics ont eu l'air méga soulagés qu'il ne manque rien. Comme quoi on peut encore avoir foi en ce monde. Et il vaut mieux quand on est distrait comme moi.??D'ailleurs, je me suis également dit qu'en croisant mon chemin, certains doivent se dire que c'est important d'avoir la foi, car avant-hier, j'ai fait fort. En sortant de la Côte d'Ivoire, je gare ma meule. Après être passé au bureau des douanes, je remonte dessus et me fait emporter par son poids en voulant la relever de sa béquille. Ma moto tombe, Amaury lâche sa moto pour tenter de me récupérer. Ma moto finit par tomber pour de bon et par effet de domino emporte aussi celle d'Amaury qui ... tombe sur le pied d'un mec qui se tord de douleur. Et là, j'ai eu l'air d'un con. Surtout qu'ici, tout se règle avec du blé. 30.000 CFA pour voir le docteur et soigner tout ça. Je me suis senti super mal. J'espère sincèrement que le mec va bien et que, lui aussi, a la foi !?
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Fanou




Yes ! Tous ces kilomètres n'auront pas été vains ! Nous allons enfin rencontrer Larissa puis Feliciano, deux enfants opérés par Mécénat Chirurgie Cardiaque !

Mais avant, faut quand même que je te raconte ! Ce matin on avait d'abord rendez-vous avec l'ambassadeur français au Togo, à Lomé! Si c'est possible. L'histoire est simple: Guy est le référent français de Mécénat Chirurgie Cardiaque, au Togo. Sa femme, Christine, travaille à l'ambassade. Et l'ambassadeur est hyper bienveillant pour l'obtention des visas pour les enfants à faire opérer en France. Quand il a appris notre passage , il a voulu nous rencontrer. Sur le carton d'invitation, y'avait marqué: "tenue décontractée". Ben ... de toute façon, je t'avoue qu'il n'y avait pas vraiment le choix puisqu'on avait pas prévu le smoking. C'était soit short, soir tenue de moto. On a choisi tenue de moto assortie de ses bottes et de son casque avec une touche de latérite !

Je te préviens tout de suite, non, y'avait pas de Ferrero et non, j'ai pas piqué les petites cuillères en argent. Monsieur l'Ambassadeur, si vous nous lisez, je vous jure que c'est vrai. On est arrivés un peu en avance mais l'étiquette veut que lorsqu'il t'invite, son Excellence t'accueille lui-même ! On a donc attendu qu'il arrive ! Une immense porte métallique blindée s'est finalement ouverte donnant sur un sas. Contrôle avec un miroir sous nos motos ! Amaury imite le bruit de la poêle à frire qui bipe, ça fait marrer le mec ! Une deuxième porte blindée s'ouvre pour nous laisser pénétrer ... en France! Une splendide demeure de style colonial où batifolent coq et pintades dans un grand jardin ! La classe à la française !

Monsieur l'ambassadeur nous accueille chaleureusement sur le perron et nous amène de suite au salon pour ... l'apéroooooo ! Monsieur l'ambassadeur étant un grand amateur de rhum, on trouve rapidement un compromis ... autour d'un truc qui tue! J'aime bien la diplomatie moi aussi. Amaury demande un coca. Là, on a frôlé l'incident diplomatique mais bon il a quand même pioché dans les cacahuètes alors c'est passé ! Hyper curieux, Monsieur l'Ambassadeur nous submerge de questions. Juste avant le déjeuner, le plan de table nous est présenté! Amaury à gauche de l'ambassadeur et moi à sa droite. Guy et Christine en face.



Au menu: mises en bouche, salade niçoise, pavé de mérou au beurre d'orange et purée de carottes au lait de coco, confit de mangue façon Melba accompagné d'un petit chablis et d'un Ferry Lacombe Haedus 2017. Slurp, je vais essayer de pas y mettre les doigts ... car de là où on vient, on a presque pris l'habitude.

Juste après l'entrée, l'Ambassadeur s'est éclipsé! Je t'explique : y'a un peu le feu parce que les togolais soupçonnent l'ambassadeur américain de vouloir influer sur les élections qui ont lieu demain. L'ambassadeur allemand débarque pour en discuter. Les deux ambassadeurs s'isolent. Perso, j'aurais bien proposé un autre apéro/rhum pour régler tout ça mais je ne fais jamais que débuter en diplomatie ! Alors je l'ai pas ramené ... pour une fois !

15h00, nous quittons monsieur l'Ambassadeur pour aller voir Larissa chez elle dans les faubourgs de Lomé. A ses trois ans, Larissa a bénéficié de la fermeture de son canal artériel par Mécénat Chirurgie Cardiaque et est aujourd'hui complètement guérie. J'ai évité les questions bien lourdingues, du genre : "alors t'es contente de t'être faite opérer en France?" Pour plutôt l'écouter. Pas simple non plus, la gamine est super timide et on la comprend: deux blancs qui débarquent en moto pour la mettre dans la lumière, pas simple de gérer.



Ensuite, on est allé à moto à son école, avec le casque d'Amaury sur la tête. Je pense qu'elle est persuadée d'avoir fait un coup de soucoupe volante, mais que, quand même les soucoupes volantes, ça pue les pieds (Amaury a la tête qui pue les pieds). A l'école, Larissa était limite de se mettre derrière ses copains/copines pour qu'on ne la repère pas trop. On sent que ses problèmes de santé et d'opération l'ont quelque peu inhibée. J'ai posé plein de questions à ses camarades mais en repartant, je n'ai embrassée qu'elle! J'ai eu un petit pincement au cœur de partir si vite. A Cotonou, c'est Feliciano, un jeune béninois de 16 ans, lui aussi opéré en France par MCC, que nous avons rencontré. Il sera plus espiègle et prolixe.



Mais , en fait, ce que j'ai surtout retenu, c'est que ces deux enfants n'étaient pas comme les autres, avant l'opération. Ils ne pouvaient pas courir, jouer avec les autres (le docteur pensait au début que Larissa faisait tout simplement de l'asthme). Aujourd'hui, ils ont enfin une vie normale, avec en prime un immense sourire. J'ai aussi retenu la souffrance de leurs parents de ne rien pouvoir faire pour leur enfant avant l'intervention de MCC. Mais ce qui m'a le plus choqué, c'est également la détresse du personnel médical là-bas. Rockyat, pédiâtre a Cotonou, s'avouait désespérée de ne pas avoir la technologique sur place, ni les compétences pour faire opérer des enfants voués à une mort certaine. Enfin, énorme coup de chapeau à tous les bénévoles qui (Guy, Chrys, Karen) qui œuvrent en silence mais dans la plus grande des humanités. Je t'embête pas plus avec mes états d'âme, je voulais juste te remercier encore pour cette belle collecte et au nom de ces enfants !



Sinon, avec Amaury, avant de repartir de Cotonou au Bénin , on a réuni l'état major car l'heure était grave:
" Oui Capitaine Cochet, je vous écoute? ".
" Bah c'est un peu le bordel commandant Baratin. Y'a Boko Haram qui fait rien que de foutre le souk au Nigéria. Ha oui, et y'a aussi pas mal de coupeurs de route qui vont vouloir nous détrousser."
"Et du coup, on fait quoi capitaine Cochet ?".
" Bah, on fait pas les malins. On se planque, on se fait tout petit, on se déplace à la vitesse de l'éclair, on ne dit jamais où on va, on est furtifs".
" OK! On va aussi planquer la thune derrière le cache latéral droit de la Ténéré 700 (c'est malin, maintenant tout le monde le sait) dans des sacs étanches. On va juste garder 200 euros sur nous, histoire de les satisfaire."



Pendant que j'écrivais ces quelques lignes, le commandant Baratin est allé choper quelques infos sur l'application des voyageurs "IOverlander". La frontière sud avec le Cameroun est fermée pour cause de heurts avec les camerounais anglophones !!! Pas de bol, c'est la frontière la plus proche, on va devoir faire un détour de 800 kilomètres vers le Nord, vers une frontière qui semble plus "abordable". Ce choix n'est pas non plus idéal car nous avons 200 kilomètres un peu tendus à parcourir entre Takum et Katsina Ala où semblent avoir eu lieu pas mal d'agressions.

Sur iOverlander, un commentaire d'un voyageur ayant séjourné dans un hôtel indique ceci: "personnel très agréable et chambres hyper propres... dommage que quelqu'un soit entré dans la nuit pour assassiner une femme dans une chambre et tout le personnel...". Je te raconte ça premier degré, prends le tel quel. N'y vois aucune fanfaronnade de ma part, ni excès de confiance. Pour descendre jusqu'à Capetown, on avait pas trop le choix donc on va essayer de faire au mieux.

C'est comme ça qu'un midi, et on est entrés au Nigeria, plutôt impressionnés ! Pourtant, côté Nigeria, ça ressemble à toutes les frontières.. Presque en mieux car il y a peu de trafiquants! On ne nous assaille pas pour nous vendre des cartes SIM ou changer nos euros. Rien ! On mange un ananas, on fait du change, on fait le plein, direction Ijebu Ode. Et là, énorme baffe.

Je pensais avoir vu le pire à Nouakchott en Mauritanie mais ici, tout est cassé. Tout, absolument tout : les maisons, les gens, l'air, la végétation ! Les routes sont jonchées d'épaves de camions et de voitures meurtris, blessés, éventrés, broyés, mâchés, cassés quoi ! Certains petits malins en profitent pour faire croire qu'il viennent d'avoir un accident et attendent que vous vous arrêtiez... Partout, on circule dans des nuages noirs de fumée et de pollution, d'odeurs improbables, le tout par 41 degrés !

Les barrages de contrôle sont partout, parfois trois en moins d'un kilomètre. Tous sont armés sans avoir vraiment l'air d'en connaître le maniement, ni l'utilité. Beaucoup ont l'air surexcités, les yeux rougis ou hagards. A se demander à quoi tournent-ils ?

Mais aussi comment peut on posséder autant d'armes et armer autant de gens qui ont l'air aussi peu fiables ? Partout les billets circulent de main à la main, allant de la main de l'usager routier à la poche du treillis des flics dont on ne sait pas s'ils en sont réellement. De notre côté, nous faisons mine de ne pas comprendre ce qu'ils veulent. De toute façon, globalement, leur anglais est incompréhensible et leur façon de demander un cadeau terriblement maladroite ! On s'en sort plutôt bien en filant des autocollants ou des nougats à des types armés qui se comportent comme des enfants de 8 ans au salon de la moto !

Sans vraiment se concerter, on a décidé d'une conduite à tenir. A l'entrée de chaque ville/village, une corde est tendue. Là, bizarrement, la corde tombe à notre arrivée. Pas besoin de s'arrêter. Ailleurs, des chicanes sont improvisées avec des billes de bois ou des sacs de sable. Quand on n'aperçoit pas d'uniforme, on tourne la tête de l'autre côté, genre "ha ben, on vous avait pas vu". Ça marche... souvent! Mais pas tout le temps! On a dû une fois se justifier de notre non arrêt au poste suivant. Lorsqu'ils captent malgré tout notre regard, pour ma part, je lève haut la main en pacificateur et lance un "Hello!" bien fort, en espérant que cela suffise. En cas d'uniforme et de kalacknikov, on s'arrête ! Notre progression est lente et stressante.



Nous essayons de nous relayer régulièrement en tête de notre convoi de deux. Ouvrir la cordée est épuisant. Pas pour la navigation, mais à chaque contrôle, il faut garder la même bonne humeur, la même intonation enjouée, la même envie. Les mêmes explications. J'allais te dresser ce portrait détestable du Nigéria lorsque, d'un coup, le goudron a disparu. Pour laisser place à une piste. Là, un ultime contrôle à la Kalachnikov, nous affirme que la piste ne va pas à Gembu, dernière ville avant la frontière avec le Cameroun. On insiste, on nous laisse passer.




La piste est large mais ravagée par la saison des pluies. D'immenses ornières et du fesh fesh de latérite. Puis la piste se resserre. Plus aucun contrôle. La piste devient monotrace. Au début, on se marre. La piste est difficile mais ça passe ... jusqu'à devenir juste infernale, voire complètement impraticable avec de grosses marches et des pierres roulantes. Par deux fois, je vais chuter. Les forces me manquent, je n'arrive plus à tenir la moto et ses 270 kilos avec nos bagages et les pleins. On persiste. La piste se réduit au point de n'être plus qu'une seule ornière où viennent frotter, de chaque côté nos sacoches latérales. Je n'ai plus aucune force, je ne fais que des conneries.




La sagesses l'emporte, nous faisons demi-tour jusqu'au village précédent. Zongo Mata ... coupé de tout. Absolument aucune voiture ne peut venir ici. Pas d'école, pas d'hôpital, pas de boulot, rien. Juste une source et quelques cultures qui permettent de survivre. Le chef du village nous emmène chez lui. Une petite cour entourée de quatre cases, où nous plantons notre tente. La curiosité l'emporte, tout le village est là. On nous emmène à la source pour faire le plein d'eau avec des pastilles micropur. Et découvrir des plantations de palmiers sous serres pour éviter qu'ils germent et produisent de petites baies rouges. On mange sous les yeux ahuris de nos hôtes. A l'heure du coucher, le chef du village nous lance un "good night, I love you!". J'en tombe sur le cul.






A 5 heures du matin, heure où les femmes commencent à préparer le feu et à manger pour la journée, même chose: "hello, I love you". Le Nigeria que nous découvrons passe d'un coup, juste devant la Guinée, sur le plan de la surprise. A croire qu'ils sont touchés par la grâce bouddhiste. Tout le monde nous accueille avec des "have a safe journey" et nous salue en joignant les deux mains. Le moindre arrêt est prétexte à une photo. Tous veulent être sur nos images, sans absolument aucune contrepartie. C'est tellement zen que j'ai l'impression d'être en Mongolie ou en Inde. Je te promets qu'il n'y a pas une seule personne, un seul enfant, une seule femme que je n'ai pas salué sur notre chemin. J'ai lâché le guidon plus de la moitié du chemin. Certes notre passage est éclair, ils ne nous voient tout au plus que quelques secondes mais je sais que l'empreinte que nous laissons pour de pourtant improbables futurs voyageurs, sera durable.



Nous reprenons notre chemin de croix. 15 kilomètres en 4 heures. A pousser, tirer, hisser les motos. Ce n'est plus de l'enduro mais du trial. Mais comme à chaque fois qu'en Afrique, tu as l'impression de faire un truc de fou, tu croises une mob, chargée de dix bidons d'essence de 25 litres, soit 250 litres !!! De véritables bombes humaines que les mecs emmènent avec une incroyable dextérité. Avec toujours la même question à notre égard "How is the road?". Comment trouvez-vous la route ? On ose à peine leur répondre que cette souffrance nous plaît. Eux la vivent tous les jours avec l'espoir, un jour ... d"avoir une vraie route pour que tout soit ... "cassé" comme ce que nous avions vu avant de débarquer ici. Je ne sais pas comment leur dire, ni même si ça a un quelconque intérêt. De même, je ne t'incite pas à prendre un quelconque risque pour traverser le Nigéria, mais écoute bien une seule chose: les campagnes, le peuple, le vrai peuple nigérian n'a rien à voir avec toutes ces infos polluantes que l'on retrouve partout à la télé. Les Nigérians sont touchés par la grâce et nous avons été touchés par leur grâce !!! Maintenant, direction le Cameroun.






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Fanou


Fanou

#23


Amaury a trouvé une rime : "goudron tête de con". Alors que tu noteras que "piste en latérite, tête de ..." ! Mais nooonnnn, t'es con, pas cette rime là (fais pas semblant de ne pas comprendre je sais que tu y as pensé). Des rimes en "ite", y'en a plein d'autres ! Comme, réussite, inédite, insolite, pépite ou médite. C'est un peu méchant mais curieusement, le fait est que ça se vérifie à chaque fois. D'ailleurs, j'avais dit que je ne te parlerai plus de nos mésaventures avec les douaniers et autres flics mais... j'ai menti et tu comprendras pourquoi après !

Bref, on pensait passer la frontière Camerounaise le soir et se rendre à Oyem au Gabon. 20 bornes avant la frontière, barrage de flics/douaniers. Un type à lunettes légèrement fumées, branches dorées (je t'en fais une description précise car il est connu comme ça sur l'application IOverlander, "l'homme aux lunettes") s'approche et nous demande nos papiers. Puis il se met à fouiller et retourner tous nos sacs. Pas de souci. Avec mon ordinateur dedans. "Ça c'est pour moi me dit-il" sur un ton hyper sérieux et autoritaire. Je réponds que non, hors de question ! Il se marre et me dit que c'est ce qu'on va voir. Fouille au corps, fouille des bottes. Fouille de mon IPhone où il tombe sur nos photos avec ... les chasseurs en Côte d'Ivoire. Pour lui, ce sont des djihadistes maliens et nous sommes des terroristes. Ça se complique. D'autant que pour déconner, en arrière plan, Amaury lève les deux bras en l'air ...

Bref, comme si d'un coup, tout semblait vouloir se retourner contre nous. Fouille de mon sac à dos où se trouve tout mon matos vidéo et ... mon drone. "Ça c'est interdit, je le confisque. Vous comprenez?" Bah non, je comprends pas. Vite fait, je fais une recherche internet sur la législation . La détention et le transport de drone sont autorisés au Gabon, seule l'utilisation est soumise à autorisation de la Direction Générale de l'Aviation. Donc nickel, car je n'ai rien tourné avec mon drone au Cameroun. Mais ça, il s'en fout. Alors qu'on est déjà dans le tambour de la machine à laver, sur le programme essorage à 100.000 tr/min, un douanier vient s'en mêler. Histoire d'ajouter de la pression à la pression. Il nous affirme qu'il y a une erreur sur nos passavants. A l'entrée du Cameroun, le douanier s'est trompé sur certaines cases et a juste inversé des références. Résultat: "je confisque les deux motos, vous rentrez chez vous comme vous voulez". Là, je t'avoue que tout s'est écroulé. Même le bon sens n'avait à ce moment là, plus aucun sens.

Direction, le poste de police en ville où un gradé semble vouloir se montrer un peu plus eclairé et mesuré. Sous les yeux du connard à lunettes (pardon je dirais plus) je commence à évoquer avec le gradé le fait que son trouffion voulait me piquer mon ordi, et le fait qu'il ne connaît rien à son métier, notamment en matière de drone. Effet mesuré car de toute façon, tout le monde en croque. Je donne des coups de fil à l'ambassade, le mec commence à blêmir. Avec ce coup de Jarnac, je sens que nous reprenons le dessus. Je me lève, montre mon ordi et mon drone au mec à lunettes en lui disant, droit dans les yeux à deux centimètres de sa bouche, que "tout ça, je le garde, c'est à moi". J'exulte, Amaury me donne des coups de coude dans les côtes genre "calme toi, n'en fais pas des tonnes non plus".

On repart, libres mais... direction les douanes maintenant, où un coup de fil salvateur donné par Mécénat Chirurgie Cardiaque nous vaudra un : "toutes nos excuses". Bon voilà. On veut bien jouer "à la marchande" parfois, "au policier et au voleur", rentrer dans leur jeu quand ça se termine bien. Mais quand ça va trop loin, hors de question. D'ailleurs, une heure plus tôt, Amaury s'était mis en colère parce qu'un flic demandait à ce qu'on lui achète une caisse de bière complète (le bar était juste à côté du poste de flics, le barman avait visiblement fait une excellente étude de marché!!!).



Bref, voilà qui m'amène où je voulais en venir. Je vois parfois que, dans tes commentaires sur mes posts Fessedebouc, tu tagues tes potes en leur disant "on se fait ça quand ?". Et c'est exactement de ce point là dont je voulais te parler! Tague un pote, et tague même un bon pote. Voir même ton meilleur pote. Voir même tague le meilleur pote que tu ne connais pas ... encore car il y a toutes les chances que dans une telle aventure, tu perdes ton meilleur pote de 20 ans. Les petits chemins de traverse, les bons moments, les belles rencontres, même seul, elles t'enverront des milliers d'étoiles dans les yeux. Le mauvais moment qu'on vient de passer, celui qui te laisse un goût amer, de limaille et de gâchis dans la bouche, une forme de "trop", celui là, bah c'est bien d'être deux pour en parler. Pour l'évacuer. Retourner au fondamentaux et aux raisons de ton voyage: la rencontre, la découverte, la différence même si elle n'est pas toujours de ton goût. Et surtout, se dire que ça fonctionne comme ça et que t'es pas chez toi. Comprendre qu'en arrivant en Afrique, si tu n'es pas patient et philosophe, tu n'as d'autres choix que de le devenir. Et au contraire, si tu es d'une nature plutôt patiente, forcément, à un moment ou un autre, tu perdras patience. L'Afrique te bousculera, toi et ton meilleur pote qui devra être de tous les coups.



Je dis pas merci à Amaury tout le temps car j'ai autre chose à foutre qu'à lui lècher la trogne dès qu'il me rend service ... Mais je vois bien qu'il anticipe sur tout: le change pour de la monnaie locale, l'eau, l'essence, le bon moment pour passer telle ou telle douane, le bon moment pour attaquer une piste trop difficile le soir... une multitude de détails, un rôle où il ne faut jamais rien lâcher. Le tien ou celui de ton meilleur pote.
Mais dans ce voyage, il y a aussi le moment où le doigt de Dieu se retourne contre les plus filous. En entrant au Gabon, un flic hyper sérieux est en train de faire une morale hallucinante à un type qui semble vouloir se le mettre dans la poche. "Qui me paye, ici, c'est toi ou le ministère ? Ces galons là, c'est pas toi qui me les a donnés ? Ici, je suis policier, tu ne me tutoies pas, on ne se connaît pas? Quand je te dis quelque chose, tu obéis!". Là, je me suis dit "putain, au Gabon, ils rigolent pas les mecs". Arrive une autre bagnole avec dedans, un mec l'air plutôt benêt. Le type entre dans la cahute et pose un billet de 5.000 sur la table du flic qui venait de faire la brillante démonstration de sa droiture! Le tout, sous nos yeux, du genre "bah quoi, comme d'hab chef". A ce moment là, j'aurais voulu disparaître pour éviter au flic un tel embarras!

C'est là que je me suis dit que le mieux était tout simplement de s'y faire. Du coup, on a dû dormir côte Cameroun, actuellement franchement hostiles aux Francais ! Il faut dire que les déclarations de Macron la veille (sur une histoire de manquement aux droits de l'homme) n'ont pas aidé ! Bref, personne ne nous parle, ne nous regarde dans les yeux, on a l'impression d'avoir chopé Ébola/Zika et Corona (pas la bière) en même temps !




Le lendemain, nous sommes donc entrés au Gabon! Assez facilement même s'il est déjà 14h00 lorsque nous rejoignons une piste (oui parce que goudron tête de ...) longue de 370 kilomètres pour rejoindre Libreville ! Nous sommes désormais à la hauteur de l'équateur, le climat se veut chaud et humide, les forêts hyper denses, l'eau surabondante, les pistes en latérite ont du mal à sécher ! Une terre bien compacte, luisante, qui peut s'avérer glissante comme du verglas, à tel point que je préfère descendre de la moto pour vérifier le niveau d'adhérence. A ce sujet, sans vraiment le calculer, nous avons de la chance d'avoir entrepris ce voyage à la petite saison sèche (la grande étant en juin, juillet, août). Lors des pluies nous n'aurions pas fait le quart des pistes que nous avons empruntées. Malgré tout, il faut se méfier, les ravines sont parfois invisibles et profondes, les ponts en bois regorgent de trous vicieux. Amaury va manquer de passer par deux fois par dessus la moto.



Et pourtant nous sommes sur la nationale 5 autrefois bien entretenue par les Français qui y exploraient le bois. "Laissée à l'abandon par les chinois qui ont pris le relais" nous affirme un habitant qui doit désormais essayer d'apporter ses récoltes à la ville puisque la route n'est plus vraiment praticable ! Nous circulons au cœur de cette jungle incroyable avec en fond sonore l'oiseau qui imite le cri de la courroie d'alternateur qui se desserre (je te jure que c'est vrai)! Nous traversons quelques villages fantomatiques ! L'atmosphère a radicalement changée avec des maisons en bois qui me font penser à l'architecture de la Louisiane, avec leurs petites avancées et leurs terrasses abritées.



Passé Medouneu, la piste est defoncée. Il se dit aussi que c'est ici qu'habite l'opposant au régime alors hors de question de la lui faciliter la tâche en refaisant la route. Les rares habitants nous saluent bien volontiers. Les enfants font parfois un pas en arrière, peu habitués à voir de tels engins circuler ! 18h30, nous décidons de poser notre tente dans un village. Plus nous nous enfonçons, moins les gens comprennent l'idée de voyager à moto. Voyager ? Pour quoi faire ? En moto ? La majeure partie du temps, ils nous lâchent un "Ho" qui semble chantant pour néanmoins s'arrêter net. Signe de leur surprise et de leur incrédulité. Parfois nous avons le droit à un : "Vous êtes braves !" Non non, on a juste le cul en béton armé. 15.009 km, 19 pays traversés, une seule demie journée de repos, et je suis complètement incapable de te dire ce qui fait qu'en 31 jours non stop de moto, on a toujours la banane. Comme un otage, j'ai l'impressions d'avoir chopé le syndrome de Stockholm, une sorte d'empathie, de compassion, de contagion émotionnelle pour la Ténéré 700 qui nous tient prisonnier depuis des jours et des jours.

Une fois la tente plantée arrive Jamal, un marocain qui réalise presque le même trajet que nous, en vélo. Pas un VTT de la mort, hein, mais le vélo de ta mère grand avec une moustiquaire pourrie comme tente et à peine de quoi se nourrir. Je lâche un "Ho" de surprise. Lui aussi roule sans trop se poser de question, prisonnier et amoureux de ce long tunnel de kilomètres et de rencontres.



Yamaha Motor
SHOEI France
SW-MOTECH France
Amaury Baratin
#kap2Cap
#tenere
Et n'oubliez pas ce voyage sert à collecter des fonds pour l'association Mécénat Chirurgie Cardiaque! Objectif 26.000 euros pour opérer deux enfants

https://relaisducoeur.mecenat-cardiaque.org/.../from-ice-to-f...

Fanou

#24























alf

Seul le présent est éternel....

Fanou

Un passage sur TV5  :++:



Petite apparition sur TV5Monde hier, c'est top. Juste une petite déception: que le sujet ait été monté sans citer mon compagnon de route Amaury Baratin  :cry: 


https://youtu.be/MhykqhDAT4U

Fanou

#27


En fait, je ne comprends pas bien ! J'étais assis sur une selle avec, dans chaque main, un fouet dont les lanières étaient ornées de clous saillants! Et, par de petits coups secs et vifs, je me fouettais le dos sans même ressentir de douleur ... malgré les traces évidentes de lacération. Puis la porte s'est ouverte laissant entrer une éblouissante lumière blanche !
Après 20 pays traversés, 16.000 km abattus sans une seule journée de repos, trois trains de pneus usés, deux paires de plaquettes arrière rincées, deux crevaisons une bonne dizaine de chutes, un levier cassé, 2To de rushes vidéo engrangés, nous avons effectivement décidé de dire "stop". Il était temps de marquer notre première VRAIE pose au cours de cet hallucinant périple.



Yann (le cousin d'Amaury) et sa femme Ayanne, qui vivent au Gabon à Libreville, nous ont ainsi recueilli ! Et le terme n'est pas trop fort. Deux pouilleux, crasseux, chargés de latérite jusqu'au moindre interstice entre les dents. Ils n'avaient pas de boule de Crystal ni de fichu sur la tête, pourtant, à notre arrivée, ils n'ont pas eu de mal à lire dans nos pensées ! Un lit confortable, une vraie salle de bain, du savon, une serviette, du camembert, du pain, du vin de Loire, des gâteaux de chez Paul ... je pourrais te citer des dizaines d'exemples comme ça. Hé ouais, on se croyait en béton armé en bouffant, vivant et roulant au jour le jour depuis notre départ! Pourtant, notre "ancien" mode de vie nous engloutit en une demie seconde ! Nous digère, nous malaxe et nous recrache vulgairement au point de se sentir d'un coup tout petits, faibles, inutiles, ou orphelins de quelque chose !

Le lendemain, pas de bécane à faire. Ha merde, alors on fait quoi? Bah rien! Heu, rien mais tu veux dire rien? Ouais rien ! Mais on va s'emmerder ? J'ai trié mes rushes vidéo, fait un petit bout-à-bout d'images que j'ai envoyées par we transfer dans l'attente d'une possible interview sur TV5 Monde et j'ai posé mes valises. J'ai même pas réussi à t'écrire, je me suis senti vidé, lessivé, presque incapable de repartir. En bout de course quoi ! On a longuement échangé le soir avec Yann et Ayanne sur cette Afrique qui nous échappe. Sans jamais trouver de réelle explication cohérente, plausible ... en tous cas pour la programmation Windows de notre cerveau.



Le surlendemain, on l'a joué Pretty Woman! On a emmené nos Ténéré 700 se refaire une beauté. Chez Nicolas qui nous a accueilli comme des rois. Moto sur un pont, vidange, huile neuve! Plaquettes arrières neuves, filtres à air neufs, contrôle des serrages, réparation de nos sacoches qui prennent cher à chaque chute! Nicolas nous file même un rétro de Buell pour remplacer celui fendu sur la moto d'Amaury. Kits chaîne neufs? Ha bah non, on a oublié d'en glisser dans l'envoi fait à Libreville. Pas grave, ça va aller jusqu'au bout. Pour le reste, nos Ténéré 700 ne souffrent et ne manquent de rien et se montrent même plutôt robustes, surtout après la bonne dizaine de chutes que j'ai infligé à la mienne.





Heu, et demain on fait quoi ? Rien non plus ? Au secours, je vais pas tenir. Redonnez-moi ces fameux fouets à clous et fermez la porte avec cette lumière insupportable ! Bon, heureusement, on a quand même fait un peu quelque chose. Le frère de Nicolas nous a embarqué, avec nos motos, sur l'un de ses canots. On a traversé l'estuaire de Gabon pour débarquer en face, sur une presqu'île, au milieu de rien. A la découverte des éléphants et des hippos. Surexcité à cette idée, j'ai passé mon temps à quatre pattes, humant leur possible passage récent, inspectant leurs excréments pour trouver leur trace! Je me sentais l'âme d'un Comanche sur une piste fraîche ! Ha, tu préfères la vérité ? Bah, si j'étais à plat ventre ce jour-là, c'est juste que j'ai passé mon temps à me vautrer avec la Ténéré. Le moindre monticule de sable me paraissait insurmontable, la moindre rigole de boue infranchissable. Je te jure, je ne savais plus faire de moto.



J'étais vidé, lavé, dans le rouge quoi! Nicolas a du se demander comment j'avais pu arriver seul sur la la moto jusqu'au Gabon. On est allés voir la maison de Dieu, puis le trou du diable ou d'autre chose, je sais plus. C'était juste magnifique. On a poussé jusqu'à chez Betty pour manger en bord de mer et on est revenus sur Libreville. En canot, face au vent et à la houle, on était rincés par les embruns, de la tête aux pieds. On a dû rincer les motos, du guidon aux crampons.

Bon, alors, et quand est-ce qu'on ressort les fouets à clous pour de vrai? Aujourd'hui ? Chic ... enfin c'est vite dit. L'envie a eu un mal fou à revenir. Pourtant, nous nous sommes faits accompagner un bon bout de route par Laurent et Christian, deux motards en Ducati Multistrada pot Fullbarouf. Le Gabon semble être la perle d'Afrique pour rouler sur route ! Un bitume nickel et des virolos qui s'enroulent autourd'une végétation dense et luxuriante. Petite photo incontournable lorsque nous franchissons l'Equateur. On s'est quittés à mi-chemin pour de notre côte filer sur, Ndendé à 40km de la frontière avec le Gabon.




Je t'ai pas dit, depuis le Cameroun, sur le côté de la route, on nous propose de la viande de brousse récemment tuée ... antilope, elephant, serpent, porc epic, pangolin ... jusqu'au premier singe que je vois là, pendu par la queue, les bras ballants vers le bas. Je n'en reviens pas. Je fais demi tour et son "propriétaire" accoure pendant faire l'affaire du jour ! 5.000 francs CFA, soir 7,59 euros ! Putain, je suis en présence d'un singe mort pour 7,59 euros. J'ai envie de vomir. Pourquoi ça me choque plus qu'autre chose? Je sais pas . Mes origines peut-être. Et puis le fait que j'ai jamais eu envie de faire pote avec un porc- épic ! Sa femme en rajoute: "cuit au bouillon, c'est super bon". Le mec l'a pris dans un piège et l'a ensuite tué à grand coup de gourdin sur la calebasse! Je demande la race du singe. "Un béret rouge!". Je sais pas si le type s'est foutu de moi mais trois kilomètres après être reparti, un truc m'est monté au cerveau. Béret rouge. Bah oui, avec le coup de masse en travers du crâne, forcément ça lui dessine un béret rouge. Ça m'a fait encore plus de peine !



Avant dernier contrôle de police a l'entrée de Ndendé où l'on nous apprend que deux japonais a moto nous précèdent. Ils seraient passés voilà trois au quatre jours. Chic des copains! Au contrôle suivant les nouvelles sont déjà moins bonnes. L'un d'eux est blessé et serait à l'hôpital ! Ils ont tenté hier de prendre la piste qui rejoint le Congo, laquelle est annoncée comme très difficile sur l'application IOverlander ! "Be prepared" affirme un commentaire laissé récemment ! Nous filons à l'auberge où ils ont atterri ! Là, une ancienne Xtz 660 et une Honda NC 700 sous bâche, sont sur la béquille ! Nos japonais ont l'air dépités et en panne de solution. Ils sont pourtant partis de Vladivostok en mai 2019 et ont du en voir d'autres.




Ils nous montrent des photos de leur galères. La moto du blessé, a dû rester une nuit entière dans un bourbier, gardée par un militaire avant d'être rapatriée de nouveau sur Ndendé le lendemain. Nos japonais hésitent. Trouver un transporteur pour franchir ces 70 km infernaux, voir même sur les 300 prochains kilomètres jusqu'à Dolisie au Congo. Ou encore, faire demi tour jusqu'à Libreville au Gabon, filer sur l'Angola pour traverser la petite enclave de Cabinda à bord de bateaux.

Amaury leur trouve un transporteur qui peut emmener le blessé et sa moto, pendant que nous proposons à l'autre japonais de nous suivre. Mais ils sont comme prostrés, congelés par leur expérience de la veille et n'arrivent pas à prendre de décision. De notre côté, nous décidons de tenter notre chance. On table sur 5 heures pour faire ces 70 kilomètres. Départ à 7 heures pour faire les formalités de sortie que nous réussissons à boucler, oh joie, en une petite heure. 8 heures, nous posons les roues sur le chemin de l'enfer. Km5, première flaque d'eau. On se méfie, sonde le fond, redoute le piège, ça passe. Un peu plus loin, l'ornière est profonde, la marre immense mais le fond porteur. Ça passe. Encore plus loin deux gros camions sont embourbés jusqu'aux portières. Un petit chemin ménagé sur le côté nous permet de nous affranchir de la difficulté. Et ce sera comme ça, pendant 70 km. Impressionnant mais pas vraiment infaisable !



Je n'en tire aucune gloire, je me dis juste que notre œil à tous ne voit pas les mêmes choses. Que même si nous empruntons les mêmes pistes nous ne faisons pas tous le même voyage ! Et c'est tant mieux ça permet à chacun de faire le sien ????

Fanou


Fanou





Je t'ai laissé au moment où nous venions de quitter le Gabon pour entrer au Congo. Les 230 km de pistes qui nous séparent de Dolizie sont plutôt roulants. Nous serpentons sur de belles pistes en latérite, entourées de douces collines vert pomme. Tiens on dirait le Pays Basque ... s'il n'y avait cette végétation tropicale ! De Dolizie à Brazzaville (427 km) c'est un goudron tout neuf qui nous attend, pire une autoroute à péage ... toutefois gratuite pour les motos.



Un confort inhabituel. Du coup, j'ai baissé la vitre, mis le bras à la portière et poussé la radio à fond pour mieux entendre "Le Voyageur" de Bashung tout en profitant du paysage quand tout-à-coup... plus rien dans mon rétro! Coup de frein à main, je fais demi-tour pour tomber sur le casque d'Amaury, posé, seul, en bord de route ... merde il s'est barré, volatilisé, il en a eu marre de mes conneries ! Ha non, il est en contrebas d'un chemin, pneu arrière crevé. Pas grave ! Sauf que si justement ... ça fume sa race ! La jante, le pneu, tout est bouillant, il nous est quasi impossible de les démonter.

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Lorsque nous parvenons enfin à décoller le pneu, une épaisse fumée sort de la jante. La chambre à air a littéralement fondu et s'est agglomérée. Pire, le pneu est lacéré à l'intérieur. Il vient de recuire. Merde, nous qui venions de changer pour des balles neuves. Petit coup de fil pour savoir combien ça coûterait pour se le faire livrer en urgence par DHL depuis la France... t'es bien assis ? 5.000 euros. Ouais t'as bien lu. A ce prix là, le pneu voyage en première classe, boit du champagne, se fait payer une chambre d'hôtel en République Démocratique ... accompagné du mec qui le transporte bien évidemment. Lequel repartira seul au retour, tout triste, sans son bon poto de caviar, le pneu.

Bon ben, c'est pas grave hein. On va faire comme si on avait pas vu les vilaines crevasses sur le pneu, on va remonter tout ça avec une chambre à air neuve, on va gonfler à 2.7 et on va s'imaginer que ça va tenir. Sur les coups de 14h00, nous arrivons à Brazzaville. On prend le temps d'un poulet/frites de bananes dans une petite gargote. Pour avoir deux Coca, je remonte deux échoppes plus haut (curieux comme sens du commerce de ne pas vendre des boissons avec la nourriture) et entre dans ce qui ressemble à un bar. Deux filles sont au comptoir et blêmissent (oui je sais, c'est pas facile et elle est facile celle-là) à ma vue. Les deux portent immédiatement leur main droite devant leur bouche. Heu, quoi ? Qu'est-ce-qu'il y a ? J'ai fait quelque chose de mal? Le Co quoi? Ha oui, le Covid19 qui vient d'Europe... bah je sais pas, j'étais en Afrique avant qu'il ne se répande. Les deux filles n'en démordent pas, l'une d'elles sortant carrément du bar.

Le Coronavirus est en train de nous rattraper. Le Congo vient d'annoncer qu'il interdisait son entrée à tous les étrangers venant du Sénégal et du Nigéria, ce qui est notre cas. Si la République Démocratique du Congo en fait de même, notre voyage s'arrêtera net. Merde et moi qui croyait ici, que "bassala bassala, baguenda baguenda". Comprends en congolais que "ceux qui doivent vivre vivront,ceux qui doivent mourir mourront". Quand tu sais, en plus, qu'après Fukushima, une bonne partie des voitures japonaises ont été livrées ici, à Kinshasa, et servent aujourd'hui de taxi, le Covid19 ne pèse pas bien lourd dans l'histoire.

Soit, on règle l'addition du poulet/frites de bananes et on descend vers le port. L'avis de tempête est fort. Il n'existe pas de pont entre Brazzaville et Kinshasa (Congo et République Démocratique du Congo) et nous savons que les passeurs en canots sont aussi gourmands que DHL. Et pas qu'un pneu. On table sur 250 euros par moto, soit en tout 500 euros. Oui t'as bien lu. Le seul hic, c'est qu'on arrive un peu tard, à 15h30 alors que le dernier canot est à 16h00. Après la douane ferme. En entrant sous douane dans le port, 25.000 passeurs se présentent à nous. Tous avec des cartes officielles.


Le plus relou d'entre eux se nomme Clovis. C'est tatoué sur son bras, "Clovis Roi de France" n'arrête t-il pas de nous rabâcher. Seul hic, Clovis est né bien avant Charlemagne, du coup il ne sait pas compter. Clovis accepte de nous trouver un bateau pour 150 euros les deux motos. L'aubaine sur laquelle nous sautons. A deux doigts d'embarquer, Clovis retrouve la mémoire et nous annonce que c'est 200 euros par moto. Colère, scandale, on se la joue offusqué. Le flic qui nous a tamponné les passeports est là. Amaury le prend à l'écart et lui tend les 150 euros dans la main. A prendre ou à laisser pour embarquer tout de suite.



Le flic accepte la mission, Clovis fait la gueule, il vient de perdre la main sur le business. Pour une trentaine d'euros en plus, nous trouvons une équipe de porteurs qui, dans la minute qui suit, doit charger deux Ténéré 700 dans un minuscule canot de transport de personnes absolument pas prévu pour ça. L'une à l'avant, l'autre à l'arrière sur des places passager qui râlent devant un tel scandale. 15h59, les amarres sont larguées pour la traversée du fleuve Congo. 15 minutes plus tard, même cirque. Deux équipes de porteurs en sont limite d'en venir aux mains pour sortir les motos. 16h30 nous sommes en République Démocratique du Congo, nous remplissons la fiche de santé, on nous prend la témpérature et nous pouvons filer vers la Nationale 1, point d'orgue de ce voyage.




Non sans avoir toutefois rencontré Emmanuel. Emmanuel ? Il a été opéré il y a cinq ans par Mécénat Chirurgie Cardiaque. J'ai pas envie de faire pleurer dans les chaumières mais sache juste que ce bonhomme a ramassé une bonne partie de la misère du monde. Orphelin à ses trois ans (ses deux parents sont décédés du Sida), Emmanuel avait une malformation cardiaque. Opéré depuis, il joue désormais au foot dans le club d'Ujana où il aimerait être repéré pour devenir professionnel. Tu vois, c'est pour de belles histoires comme ça que je voulais te remercier d'avoir été aussi généreux. Parce qu'en revenant à la civilisation l'autre jour avec du réseau 4G, j'ai pu constater que c'était pas moins de 24.000 euros qui avaient déjà été collectés. Alors, merci, merci, merci. 10.000 fois merci et même 24.000 fois merci.



Yamaha Motor
SHOEI France
SW-MOTECH France
Amaury Baratin
#kap2Cap
#tenere
Et n'oubliez pas ce voyage sert à collecter des fonds pour l'association Mécénat Chirurgie Cardiaque! Objectif 26.000 euros pour opérer deux enfants

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